Home L'actu Acte 48 des Gilets jaunes, ou la “banalité” de la répression

Acte 48 des Gilets jaunes, ou la “banalité” de la répression

by Sarah Khorchi

Samedi 12 octobre, Toulouse a accueilli « la France entière », lors d’un grand rassemblement marquant l’acte 48 du mouvement des Gilets Jaunes. L’évènement, organisé sur Facebook, annonçait la participation d’environ 1500 personnes. Il a été sévèrement réprimé. Reportage.

La rue Bayard noyée dans le gaz lacrymogène, samedi 12 octobre à Toulouse (©ER)

En préambule à cet « acte 48 » du mouvement des Gilets jaunes qui ont appelé à converger sur Toulouse depuis tout le pays, je visionne les chaînes d’informations télévisées et controversées, notamment BFM TV et CNews, qui, lors du précédent grand rassemblement, ont envoyé des reporters sur le terrain. Cette fois-ci, pas un mot. Aucune manifestation du mouvement contestataire, toulousaine ou parisienne, ne sera montrée ou ne serait-ce qu’évoquée. Ce silence laisse à penser que les Gilets Jaunes ne sont plus. Un questionnement auquel je suis fréquemment confrontée lorsque j’évoque le mouvement avec des amis ou des tiers : « Mais ils sont toujours là ? ». Oui, ils sont là, ils le chantent depuis maintenant 10 mois et le montrent comme cela a encore été le cas ce samedi.

Ce 12 octobre, l’évènement a préservé son organisation habituelle, à savoir rendez-vous à 14H00 près du métro Jean Jaurès. Le temps de chercher mes informations auprès de la désinformation elle-même, et d’un petit trajet de métro, j’arrive à 14H10 au lieu prévu. Le monde est là, les gens ont fait le déplacement certains me disent être venus de Lyon, d’autres de Bordeaux, ou encore de Montpellier. J’arrive au moment où le cortège effectue son départ. Direction le quartier Jeanne d’Arc d’un pas rythmé par les slogans emblématiques du mouvement. Arrivé à l’entrée de la rue Alsace Lorraine, le cortège est bloqué. « Ça va péter !», chantent les manifestants. 14H25, les premières grenades lacrymogènes sont lancées au sein de la foule. Une rangée de CRS bloque le passage vers le lieu de départ, Jean Jaurès. L’explosion, l’odeur, et les brûlures engendrés par ces gaz ne sont que les premiers d’une longue série qui va durer jusqu’au soir…

Trente minutes après le début de la manifestation, le cortège est déjà divisé en divers petits groupes. La stratégie policière mise en place consiste à bloquer la manifestation entre Jean Jaurès et Jeanne d’Arc. Les grenades lacrymogènes pleuvent de tous les côtés, parfois simultanément et de manière abondante. La fumée opaque des gaz occupe les lieux de manière quasi omniprésente. Le masque en papier et le sérum physiologique, que je suis contrainte de cacher sur moi afin d’éviter la confiscation, ne permettent pas d’atténuer les effets subis.

Quarante-huitième semaine consécutive de mobilisation pour les Gilets jaunes (©ER)

L’hélicoptère – qui ne s’était pas manifesté depuis un bon moment -, fait son retour, survolant les axes convoités par les manifestants : Jeanne d’Arc, Jean Jaurès et Esquirol. En effet, si le premier lieu choisi pour se retrouver était la place Jean Jaurès, le quartier Esquirol sert de nouveau point de rendez-vous. Mais tout le monde ne connaît pas : « C’est par où Esquirol ? », demandent certains. Pour ma part, je décide de m’y rendre, passe une frontière de CRS qui demandent à certains de montrer leur sac. Je cache le mien et me faufile dans un groupe de manifestants, au croisement de la galerie La Fayette. A peine arrivée, les heurts reprennent et les forces de l’ordre repoussent le groupe qui se dirige vers la rue Alsace Lorraine. Près du Capitole, un groupe de manifestants tente le passage en force vers la place interdite d’accès par un arrêté préfectoral émis la veille. L’offensive ne se fait pas attendre, des grenades lacrymogènes sont lancées en rafale. La confusion est totale : il y aurait un groupe à Esquirol, un à Jean Jaurès et un autre à Jeanne d’Arc. Après indications d’un individu suivant les Facebook Live, je décide de me rendre au dernier lieu énoncé. J’y serai spectatrice de l’arrestation musclée d’un vieillard ne portant aucun signe suggérant qu’il fasse parti du mouvement. Autour, les huées et les insultes témoignent de l’indignation. Mon suivi de cette journée s’achève près de l’allée Jean Jaurès, où l’usage de la force s’exprime par le biais du canon à eau et de gaz dont l’utilisation frôle désormais la banalité.

Tout au long de cette journée, le cortège n’est pas parvenu à se rassembler. La répression effectuée par des policiers dépassés, ne leur a cependant pas permis d’atteindre l’objectif visé qui était d’empêcher l’accès au centre ville. Et si cet événement a été moins important que celui organisé le 13 avril dernier, où Toulouse avait également été décrétée « capitale nationale » du mouvement, il a surtout été le révélateur d’un système qui s’essouffle : selon France 3 Occitanie, 75 % des policiers des brigades d’intervention de Toulouse s’étaient mis en arrêt maladie à la veille de ce 48ème acte.

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Mika 19 octobre 2019 - 15 h 15 min

Très bon reportage sur les gilets jaunes, merci de nous informer sur cet événement.

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