Narymane Benloucif a remporté la ceinture lors du championnat de France à Blagnac en juin 2024 chez les Pro. Deux mois après, Sofiane Oumiha brillait aux JO de Paris et remportait une médaille d’argent comme son co-disciple de Blagnac, Bilal Bennama. La boxe toulousaine continue de sortir des champion·nes. Reportage et entretiens croisés avec Narymane et son coach, Mehdi Oumiha, au Boxoum à Papus, où elle s’entraîne.
La petite salle de boxe du Boxoum est confidentielle, presque cachée dans un des quartiers les plus enclavés du Grand Mirail, la cité de Papus, qui se situe entre le périph’ et le quartier de la Faourette. En arrivant sur place, on perçoit une barre d’immeuble ancienne et une petite galerie commerçante désaffectée qui paraît figée dans une autre époque, l’enseigne du Tabac est toujours là mais les commerces ont tiré le rideau et le complexe est en sursis avant une démolition pas encore programmée. On s’imaginerait bien y tourner une scène d’un The Wire à la française.
C’est dans un de ces locaux vacants qu’a été relogé le Boxoum il y a déjà plusieurs années et pour une durée indéterminée selon l’évolution du projet de réaménagement. Quand on pousse la porte, on est directement saisis par l’âme du lieu. Les boxeurs sont en place tôt et ça défile toute la journée, une oasis de vie et de vigueur au milieu d’un petit désert de béton.
On a RDV avec Narymane Benloucif, 31 ans, éducatrice spécialisée et boxeuse professionnelle. Elle vient de remporter la ceinture de championne de France dans sa catégorie cet été. En parallèle, elle accompagne des jeunes en situation sociale et judiciaire compliquées, notamment en détention. Elle est aussi maman.
Narymane a débuté dans la boxe il y a 9 ans, elle avait 22 ans. « C’est un peu atypique de commencer aussi tard », nous confie-t-elle. Surtout lorsque, comme elle, on a des ambitions de compétition dans la discipline. Elle raconte son parcours, ses hésitations et ce qu’elle a trouvé dans ce sport.
Après un début de carrière chez les Pros en 2021 et une grossesse, Narymane fait son retour avec un gros challenge de combat pour la ceinture de championne de France dans sa catégorie. Elle réalise l’objectif le 8 juin dernier à Blagnac en détrônant la tenante du titre.
La recette du Boxoum c’est d’associer quartier, vie sociale et haut niveau. C’est ce qu’on comprend rapidement en recueillant les témoignages et l’ambiance du club. On y croise ainsi des gens du quartier, mais aussi d’ailleurs, de la région et même à l’international: plusieurs boxeurs étrangers s’entraînent, viennent faire des tests et travailler avec la méthode du club, explique Narymane.
Ce que nous confirme Mehdi Oumiha, fondateur, directeur et entraîneur du club qui se présente comme « le préparateur de tous les combattants qui performent mais aussi de ceux qui ne performent pas et qui sont là en loisir ». Cubains, Vénézueliens, Espagnols, Palestiniens, de nombreux grands compétiteurs viennent prendre leurs marques ici. On y entend parler différentes langues et on voit les savoir-faire et techniques s’échanger grâce au langage universel qu’est celui de la boxe. Le palmarès de nombreux boxeurs passés par le Boxoum n’y est pas pour rien. A commencer par le tout récemment médaillé d’argent, finaliste des Jeux Olympiques de Paris, Sofiane Oumiha.
Dans cette salle, Mehdi donne beaucoup de son temps et la question des moyens est posée, comme ailleurs, dans un club qui fait beaucoup et qui pourrait faire plus avec davantage de soutien. Comme on le constate souvent dans d’autres quartiers, c’est sur la détermination d’une poignée de personnes qui se sacrifient pour leur passion et pour leur cause que reposent ce genre de club.
Mehdi et Narymane répondent aussi à nos interrogations sur les raisons du succès de la boxe toulousaine avec un autre finaliste remarquable lors de ces mêmes JO, Bilal Bennama de Blagnac.
Mehdi Oumiha est le grand cousin de Sofiane en plus d’être son entraîneur. On peut dire que c’est une histoire de famille, mais c’est aussi une histoire de quartier. Il a grandi à Bagatelle et s’est très tôt consacré à la fois au travail social et à la boxe. Il est ainsi devenu entraîneur très jeune. Aujourd’hui, le club s’est développé et élargi en s’ouvrant sur le monde mais toujours en gardant les bases du quartier et du lien social avec la jeunesse, les associations et les habitants en général. « Ce qui est dur c’est d’allier ce travail sur le quartier et le volet haut niveau qui demandent chacun beaucoup de temps », nous confie Mehdi. Et c’est certainement ce qui fait l’identité si particulière du Boxoum.
Narymane donne son sentiment et son analyse sur ce qu’on peut appeler la “Boxe business” qui privilégie le haut standing et le spectacle et détourne l’image du noble art et ses moyens qui pourraient servir à des galas de clubs comme le Boxoum et d’autres, véritablement ancrés sur les territoires et plus représentatifs de l’âme de la boxe.
L’important pour Narymane, comme cela semble être le cas pour l’ensemble de la famille Boxoum, c’est de faire perdurer cette âme et cette ambiance caractéristique du club. Et de faire vivre ce lien avec tout le monde, au-delà des performances des un·es et des autres.