Le nouveau ministre de l’éducation Gabriel Attal a jugé opportun de faire de l’interdiction de l’abaya un thème majeur de la rentrée scolaire. Deux coups en un : reléguer les véritables défis de l’éducation nationale au second plan et stigmatiser une énième fois les musulmans.
Devenu ministre de l’éducation nationale à la place de Pap Ndiaye, lors du dernier remaniement ministériel le 20 juillet 2023, Gabriel Attal a fait de l’interdiction des abayas à l’école un dossier prioritaire de cette rentrée scolaire. Le jeune ministre, pur produit de la macronie, avait eu l’occasion, dès le début de sa prise de fonction, de fixer ses priorités : respect de l’autorité, remise des « savoirs fondamentaux » au cœur de l’école, et garantie du bien-être des élèves, qui passe par la lutte contre le harcèlement scolaire.
Mais dimanche 27 août, sur TF1, le ministre a rajouté à ce programme l’interdiction des abayas, cette robe longue portée par certaines femmes musulmanes. Concernant aussi les qamis (équivalent pour les hommes), cette déclaration s’est concrétisée par une « note de service » diffusée jeudi 31 août, censée permettre aux établissements de « préciser » le sens de cette interdiction aux élèves concerné·es.
A quelques jours de la rentrée, cette annonce ministérielle, immédiatement soutenue par la droite et l’extrême-droite, a suscité des réactions mitigées à gauche.
Ainsi Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, a abondé dans le sens du gouvernement en déclarant le 29 août sur France Inter qu’elle était favorable à son interdiction mais avec des règles claires et tout en déplorant la communication du gouvernement.
Ignore-t-elle qu’on nous parle de cela depuis plusieurs années ? Découvre-t-elle que l’Etat ne prend pas des gants pour parler aux musulmans ? La loi de 2004 n’était-elle déjà pas spécifiquement consacrée au foulard des élèves musulmanes ?
La veille, dans un tweet, Jean-Luc Mélenchon avait, lui, exprimé sa « tristesse de voir la rentrée scolaire politiquement polarisée par une nouvelle absurde guerre de religion entièrement artificielle à propos d’un habit féminin ». « À quand la paix civile et la vraie laïcité qui unit au lieu d’exaspérer ? » s’interroge le leader de LFI qui appelle au respect des musulmans.
De fait, cette énième embardée politique sur la vêture des musulmanes risque fort d’instaurer une sorte de délit vestimentaire au faciès, la distinction entre robe longue et abaya (qui n’est absolument pas un vêtement religieux, juste un habit traditionnel) ne pouvant se faire qu’en fonction de la confession supposée de l’élève.
Le 27 août, dans une série de tweet (sur X, tel que se nomme désormais le réseau social ex-twitter), l’avocat Arié Alimi a mis le doigt sur qui semble bien être le noeud du problème: « Cette volonté de contrôler le corps des femmes et des adolescents en construction, en particulier ceux originaires des anciens pays colonisés est un combo de tous les fantasmes racistes, sexistes, disciplinaires et coloniaux. Ce franchissement de seuil permet de mettre en évidence que le cœur de cible à toujours été arabe et pas uniquement musulman et va permettre à ceux qui avaient encore du mal avec l’expression #Racisme d’état de l’utiliser pleinement. »
Et pendant ce temps, les problèmes au niveau de l’école en France sont multiples et variés : le non remplacement des profs absents, l’absence de places pour les élèves handicapés faute de classes adaptées. Entre autres…