Le dernier film du réalisateur noir Jordan Peele installe les afro-américains en tête d’affiche d’un genre dont ils étaient jusqu’alors tenus à l’écart : le thriller horrifique.
Durant plusieurs semaines au printemps, kiosques à journaux, arrêts de bus et panneaux publicitaires ont mis en avant la dernière œuvre du réalisateur américain Jordan Peele. Après son succès en 2017 avec le film “Get Out”, un thriller horrifique qui traite du racisme, qu’il a écrit, co-produit et réalisé, et avec lequel il a décroché l’Oscar du scénario original 2018, Jordan Peele revient cette année avec un autre thriller cette fois titré “Us” ( “Nous” en français) mais qui contient beaucoup de points communs avec son prédécesseur “Get out” .
“Us” raconte l’histoire d’une famille afro-américaine qui part en vacances dans une résidence située dans la ville de Santa Cruz en Californie. La mère, incarnée par l’actrice Lupita Nyong’o à qui Jordan Peele donne une place importante dans le film, a vécu dans son enfance des événements traumatisant et tente de les exorciser dans son quotidien. Mais ce passé va vite la rattraper, prenant cette fois-ci toute sa famille au piège. Au milieu de son séjour, cette famille se trouve sous la menace de gens qui semblent être leurs propres clones, en bien plus sombre et terrifiant, et avec des envies meurtrières de psychopathes.
Tout au long du film, le spectateur est amené à réfléchir et à faire attention à chaque détail de l’histoire, car rien de ce qui se passe du début à la fin du film n’est anodin. C’est ce qui démarque ce film d’horreur de beaucoup d’autres du genre, des classiques amateurs de sang et de jumpscare à tout-va (principe recourant à un changement brutal intégré dans un film afin de surprendre et d’effrayer le spectateur) : là, avec “Us”, Jordan Peele articule l’évolution de son histoire d’une manière psychologique et lie les différents événements entre eux. Il rentre avec ce film dans une nouvelle ère du film d’horreur, comme peut l’être la série “The haunting of hill house” produite par Netflix.
Mais il participe aussi à une révolution en cours dans le cinéma américain : celle de la place des noirs dans le scénario. Jordan Peele parlait déjà du racisme aux Etats-Unis dans “Get out”, où un noir jouait le rôle de personnage principal. On avait l’habitude, pendant des années, des rôles assez répétitifs attribués aux noirs dans le cinéma Holywoodien, des rôles secondaires avec bien souvent la mort au milieu du film. Sans parler des rôles de comique ou de gangster très rébarbatifs. Tandis que les films d’horreurs ne mettaient que très peu, voire pas du tout, en avant des acteurs noirs. Avec “Us”, Jordan Peele accorde une place centrale à la famille afro-américaine dans son scénario, et il met en avant de façon subliminale la relation de cette communauté avec la société dans laquelle elle évolue, en poussant notamment la culture hip hop des années 90 et ses grands classiques, avec le titre “I got five on it” de Luniz, mais aussi “Fuck the police” de NWA qui fut l’hymne de la révolte des ghettos noirs de Los Angeles dans les années 90, dénonçant les violences policières qui y faisaient rage. Ce titre avait été interdit par le FBI qui avait envoyé une lettre de menace à NWA.
Jordan Peele ne laisse rien au hasard et utilise tous ces éléments pour construire son message de manière coordonnée. Le “Nous sommes américains” que le double effrayant de la mère de famille répond lorsque cette dernière lui demande qui elle est, en dit beaucoup sur ce que le réalisateur a voulu transmettre dans ce film. On peut l’interpréter de différentes façons, mais il n’est pas déconnecté de la réalité que vivent les noirs dans la société américaine.
Ce film est un nouveau pas, et pas des moindres, dans l’ascension des acteurs noirs au sein du cinéma américain, comme on a pu aussi le voir avec “Black Panthers”, ” Mind Rebellion” ou “Kin le commencement”. Et trois mois après sa sortie, il a déjà beaucoup fait parler de lui.
A voir: Us de Jordan Peele. Thriller d’épouvante américain. Sortie en salle le 20 mars 2019.