Depuis l’automne 2017, le projet de rénovation urbaine « Grand Matabiau – quais d’Oc », autour de la gare Matabiau, se met petit à petit en place à Toulouse. Faisant la fierté des institutions locales mais provoquant le désarroi de beaucoup d’habitants du quartier et de nombreux activistes locaux. Visite de Bonnefoy avec un opposant au projet. (ex-Teso, épisode 1)
Je marche souvent aux alentours de la gare Matabiau, et plus précisément dans le quartier Bonnefoy. J’y ai beaucoup de souvenirs d’enfance, du coup, de temps en temps, j’aime bien revenir y faire un tour. Mais cette journée de printemps 2020, je suis frappé par les changements qui s’opèrent dans le quartier. La rue de Lyon est pratiquement vide de magasins et les fenêtres y sont condamnées. Quelque mois auparavant, ce n’était pas le cas ou je n’y avais pas prêté attention car quelques boutiques y étaient encore ouvertes. Mais là, la rue est quasiment vide, on dirait presque un décor de film d’horreur planté au milieu d’autres rues à l’aspect tout à fait normal.
En fait, cette rue fait partie d’un plan de “rénovation urbaine” soumis par la mairie. Un projet qui concerne la rue de Lyon mais aussi les rues qui entourent la gare, ainsi que la gare elle même. A l’origine, ce programme portait un nom : TESO, pour Toulouse Euro Sud Ouest. Depuis novembre 2019, il s’est transformé en « Grand Matabiau quai d’Oc ». Il est porté par l’Etat, la mairie de Toulouse, Toulouse métropole, la Région Occitanie, le département de la Haute-Garonne, la SNCF et Tisséo Collectivités. Il s’agit, selon eux, de donner une nouvelle dynamique à l’échelle européenne à la ville de Toulouse.
Mais à côté de tout cet enthousiasme des institutions, collectivités et entreprises porteuses du projet, « Grand Matabiau quai d’Oc » a provoqué le doute, voire le rejet, de citoyens de la ville de Toulouse et plus particulièrement chez les habitants et commerçants de la rue de Lyon et du quartier Bonnefoy, situé au cœur du programme de rénovation. Au fil de cette contestation, plusieurs groupes et associations opposés au projet se sont montés pour contrer les manoeuvres de la mairie.
J’ai pu rencontrer un membre de l’un de ces groupes, nommé Anti Teso. A., qui souhaite garder l’anonymat. Suivant de très près l’évolution du projet, il en a une version beaucoup moins idéalisée, moins “rêveuse”, que celle de la Mairie. Pour A., le projet ex-TESO vise avant tout à agrandir le centre-ville et à y installer une population plus riche dans ce que l’on appelle les faubourgs (dont la rue de Lyon fait partie). « La mairie a notamment rénové les ramblas des allées Jean-Jaurès qui font lien entre l’hyper-centre et le quartier de la gare. Bonnefoy est l’un des quartiers les moins chers de Toulouse, et qui plus est, très proche du centre-ville. Une tour de 150 mètres et plus de 300 bâtiments vont être construit ici », m’explique-t-il en me faisant faire la visite du quartier concerné par le projet, avec un bon arrêt sur la rue de Lyon pour m’expliquer toutes les méthodes de la mairie visant à en faciliter la mise en place.
C’est au début de cette rue, devant un bâtiment abritant un commerce à l’allure assez surprenante, que l’on s’arrête d’abord. Un bâtiment dont la façade est refaite à neuf, mais dont les portes et fenêtres sont murées avec des parpaings en béton. Tous les commerces de la rue ont vocation à être fermés pour être remplacés par les nouveaux bâtiments du projet TESO et la mairie use de différentes méthodes pour aboutir à cela. Comme par exemple au bout cette rue de Lyon quasiment morte, où l’on peut voir une caméra high-tech perchée en haut d’un grand poteau. A. m’explique qu’elle sert à prendre des photos des plaques d’immatriculation des voitures mal garées afin de les verbaliser. Cette caméra n’est pas placée là par hasard : elle est à proximité d’un snack-kebab. Selon lui, cela permet de verbaliser les voitures qui se garent en double file pour aller chercher un kebab. De quoi dissuader les clients de venir acheter au snack… Ce dernier risque ainsi de vite se retrouver en difficulté, notamment lorsque la population changera dans le quartier et que les loyers augmenteront. « Tout est fait pour faire partir les commerces à “aspect populaire” afin de ne pas déranger la future population aisée. C’est un phénomène de gentrification comme on peut souvent le voir ailleurs », résume le militant. De fait, tous ces changements vont avoir un effet sur les loyers dans le quartier qui vont forcément augmenter. « Un technocrates du projet TESO m’a même dit que ça influencerait jusqu’aux quartier des Minimes, assure A. C’est le jeu de l’offre et de la demande, la loi du marché. Le côté de la gare hébergera des bureaux alors qu’il y en a plein de vides à l’espace Saint-Georges et Compans Caffarelli, ou même vers la route d’Espagne. Tout est fait pour attirer les grosses entreprises et les faire installer près de la gare ».
Lui et son groupe Anti TESO se réunissent tous les premiers mercredi du mois dans un espace pas loin de la rue de Lyon nommé « le café Anti TESO » où ils sensibilisent la population et plus principalement les habitants du quartier de Bonnefoy, concernés par les impacts que le projet a ou aura dans un futur proche sur leur quartier. Un quartier qui malgré toutes ces transformations, conserve encore un peu l’âme d’un vrai quartier populaire contemporain de Toulouse. Mais jusqu’à quand ? Le projet de rénovation urbaine en cours plane au dessus de sa tête comme une épée de Damoclès.