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« Ce qui manque, c’est le contact avec les autres »

by Leïla Larabi
Des heures devant l’écran pour des cours en visio: le quotidien des étudiantes et étudiants depuis le début de la crise sanitaire (© LL)

Au bout d’une année rendue très difficile par la crise sanitaire, les étudiantes et étudiants sont dans le dur. L’éloignement des salles de cours a eu des effets négatifs, ajoutant l’isolement et un sentiment d’abandon à la précarité économique. Beaucoup ont décroché et un hashtag a fleuri sur les réseaux sociaux : #étudiantsfantomes. Autant de vrais problèmes soulevés par les concerné.es un peu partout en France, très loin du pseudo péril « islamogauchiste » qui « gangrènerait » l’université et même la société toute entière, selon la ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal… Lina*, Nawel*, Maissa*, Malika* et Linda*, cinq jeunes étudiantes habitantes du Mirail ont répondu à nos questions, par le biais d’un échange de mails.

Chouf Tolosa: Cela fait quelques mois que vous êtes en distanciel. Qu’est ce qui vous manque le plus, par rapport aux études et à la vie sociale ?

Lina, en 2éme année d’anglais à l’Université Toulouse-Jean Jaurès : Ce qui me manque du point de vue des études, c’est le contact avec les autres, autant les professeurs que les étudiants. Même si les professeurs pour la plupart font du mieux qu’ils peuvent pour nous soutenir à distance, ce n’est pas toujours évident.

Nawel, en 2ème année de DUT de gestion des entreprises et administrations (GEA) à l’Université Toulouse 3-Paul Sabatier : Personnellement, je vis mal cette situation de “crise sanitaire”, autant sur le plan social que concernant mes études. J’ai rencontré de nombreux obstacles depuis cette pandémie. J’ai l’impression que tous les jours se ressemblent, on se lève pour suivre les cours à distance, on fait nos devoirs et on se couche, et rebelote le lendemain. Je n’ai pas l’impression d’avancer dans ma vie,  au contraire j’ai l’impression de stagner et de vivre dans une boucle en refaisant tous les jours la même chose, que ce soit sur le plan social ou scolaire. Il y a une certaine routine qui s’est instaurée et c’est cette routine qui est exécrable. Donc, je dirais que ce qui me manque c’est l’interactivité avec autrui, que ce soit la famille, les amis ou même les professeurs ou les camarades. Le cadre et l’environnement jouent aussi en faveur de cette mauvaise passe : pouvoir sortir, faire des activités, changer d’environnement, rencontrer de nouvelles têtes… Plus grossièrement, c’est la vie d’avant qui me manque.

Maissa, en 2éme année d’administration économie et sociale (AES) à l’Université Toulouse 1-Capitole : Ce qui manque le plus, c’est de pouvoir interagir avec les professeurs et mes pairs, surtout de ne pas pouvoir poser les questions directement aux professeurs. Dans certaines conditions, c’est compliqué de se faire comprendre par mail.

Malika, en 3eme année AES à à l’Université Toulouse 1-Capitole : La communication avec les enseignants, un environnement de travail.

Linda, auxiliaire péricultrice à l’Institut de Formation Recherche Animation Sanitaire et Social (IFRASS) : Côté vie sociale : rencontrer du monde, de nouvelles personnes. Pareil côté cours : pouvoir échanger avec ses camarades, avoir des interactions sociales.

Comment arrivez vous à gérer les cours en distanciel ?

Lina: J’essaie au maximum de suivre les cours en m’appuyant sur les ressources mises à notre disposition par les profs et je tiens un planning pour savoir ce que je dois faire et quand je dois le faire.

Nawel: Il est difficile pour moi de suivre les cours à distance : manque de motivation, et surtout, c’est compliqué de passer toute la journée devant un écran. Faire 8h -17h dans ces conditions est infernal. Personnellement, cela me provoque de fortes migraines, des maux de têtes et un assèchement des yeux. Et je suppose que d’autres subissent des journées encore plus exécrables… De mon point de vue, et qui pourrait s’appliquer ou non avec les autres universités, il serait plus judicieux d’adapter les cours au format “distanciel”. Par exemple privilégier le travail en autonomie, avec à disposition les cours et les corrigés de certains TD. Comme ça, on pourrait travailler en autonomie et placer des créneaux de 1h ou 1h30 dans la semaine où l’on pourrait échanger avec l’enseignant de la matière en lui posant nos questions, lui demander de nous réexpliquer certaines notions… Car avoir des créneaux de cours de 3h d’affilée ça ne permet pas de suivre le cours correctement et de le comprendre. Je trouve cela juste absurde, vu la charge de travail que l’on nous donne à coté… Donc pour conclure : privilégier l’autonomie aux grosses heures de cours à distance (en visioconférence) afin d’alléger nos emplois du temps.

Maissa : C’est très compliqué, il y a un grand manque de motivation pour réussir à suivre l’intégralité des cours.

Malika : Je suis tous les cours tout en les travaillant à côté.

Linda : J’ai du mal à gérer les cours en distanciel car pas de motivation et surtout pas de séparation entre cours et vie privée, les deux sont mélangés donc j’ai du mal à faire la part des choses.

Est ce que vous sentez que les professeurs sont à votre écoute ?

Lina : Ça dépend des professeurs, certains sont à l’écoute, tiennent compte de nos remarques et comprennent nos difficultés mais certains ont les mêmes exigences pour des conditions et un climat totalement différent d’avant le covid.

L’Université Toulouse Jean Jaurès, ex Fac du Mirail, du temps où on manifestait en présentiel… (© ER)

Nawel : Dans mon IUT, oui, certains de mes professeurs sont à l’écoute et essaient de trouver des solutions bien que ce soit compliqué. Après, je considère qu’en tant que professeurs ils se doivent de nous aider et de nous accompagner pendant cette période de crise sanitaire, bien que certains aient des comportements plutôt insouciants et indifférents. 

Maissa : Non, pas vraiment, les professeurs n’écoutent pas forcément nos demandes ou ne prennent pas en compte le fait que la situation est compliquée pour les étudiants aussi. Certains professeurs sont très à l’écoute et très impliqués mais ça reste une exception.

Malika : Il y en a, mais ils ne sont pas tous à l’écoute.

Linda : Dans la globalité, les professeurs sont compréhensifs car on a pas mal de cours en visioconférence et ils demandent de nos nouvelles.

Avez vous le sentiment que les profs sont eux aussi las de cette distanciation ? Est ce qu’ils l’expriment et est-ce que cela se ressent dans leur travail ?

Lina : Oui, on peut voir que c’est une situation compliquée pour eux également car ils doivent enseigner à des élèves qu’il ne peuvent pas voir et qu’il ne peuvent pas réellement accompagner. Sachant que le distanciel apporte également des problèmes purement techniques qui peuvent mettre encore plus de barrières entre les profs et les élèves. Par rapport à leur travail, je pense qu’ils sont encore plus impliqués : au premier semestre, ils tâtaient encore le terrain mais pour le deuxième semestre, on voit qu’ils sont mieux préparés.

Nawel : Certains de mes professeurs adaptent leurs cours en fonction du distanciel, d’autres ne se soucient pas du “format distanciel” et enseignent comme si nous étions en présentiel, ce qui rend les cours compliqués à suivre. Et puis, j’ai un professeur, par exemple, avec qui on ne fait plus du tout de cours : on ne fait que répondre aux questions. Le cours n’est pas structuré, ça fait brouillon et j’ai l’impression que ses cours sont pas mal improvisés.

Maissa : Oui, tous les professeurs sont las de cette situation, cela se ressent dans l’échange avec les étudiants. Certains ont des retards assez fréquents ou ont du mal pour utiliser zoom et trouver les liens de connexion parfois.

Malika : Oui, ils arrêtent les cours plus tôt ou ils sont toujours en retard de 20 minutes au moins, ou n’expliquent pas tout. 

Linda : Oui, énormément. Ils nous le disent : ils ont l’impression de parler, de faire le cours, et qu’il n’y a personne derrière. Certains aussi ont du mal avec les outils technologiques. Malgré tout, ils restent professionnels et gardent du temps en fin de cours pour répondre à nos questions.

Y a t il des indications venant de vos universités à propos d’une possible reprise progressive des cours ? 

Lina : Mon UFR a prévu de passer tout le semestre en distanciel, mais je ne sais pas à l’échelle de la fac.

Nawel : Oui, à partir du mois de mars, retour du présentiel, mais avec un emploi du temps adapté : je retourne sur le campus de l’université 1 jour sur 2 et une semaine sur 2 par petit groupe de 15 personnes par classe afin de pouvoir respecter les gestes barrières.

Maissa : Oui, certains cours ont repris en présentiel une demi journée dans la semaine et une semaine sur deux.

Malika : Oui, une fois par semaine, l’après-midi.

Linda : Malheureusement, pas de possibilités de reprendre avant juin, donc pas trop d’espoir.

*Les prénoms ont été changés

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