Vendredi 15 novembre, la justice française doit rendre sa décision concernant la libération de Georges Ibrahim Abdallah, militant révolutionnaire libanais, plus vieux prisonnier politique d’Europe. Le 26 octobre, plusieurs milliers de personnes se sont retrouvées à Lannemezan, où il est détenu, pour exprimer leur solidarité et demander sa libération après 40 ans de détention. Reportage.
Samedi 26 octobre, prés de la gare de Lannemezan, ça afflue de partout, en bus ou en voiture, apportant beaucoup d’ambiance dans cette commune calme de l’est du département des Hautes Pyrénées, située à 1h30 de Toulouse et environ 7h de Paris. Les militant·es sont venu·es comme chaque année manifester leur solidarité pour Georges Ibrahim Abdallah, le plus vieux prisonnier politique de France et d’Europe. C’est la 13ème année que cette manifestation se déroule ici. Certain·es ont passé la nuit en bus pour atteindre leur destination. Entre 2000 et 4000 personnes sont là.
Georges Ibrahim Abdallah est un militant communiste libanais, membre du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) et co-fondateur des Fractions armées révolutionnaires libanaise (FARL), enfermé en France depuis 1984 après avoir été condamné pour « complicité d’assassinat » de deux diplomates à Paris en 1982, l’états-unien Charles Ray et l’israélien Yacov Barsimentov.
Il est désormais bien établi que de multiples anomalies émaillent l’histoire judiciaire du militant (voir par exemple ces articles du Monde diplomatique ou de France inter). Comme il l’avouera quelques années plus tard, l’un de ses avocats, Jean Paul Mazurier, était lié à la DGSE et renseignait sur ses agissements. En 2013, Manuel Valls, alors en poste au ministère de l’Intérieur, refusera de délivrer l’arrêté d’expulsion qui, suite à l’acceptation de sa libération par le tribunal d’application des peines, aurait permis à Georges Ibrahim Abdallah de rentrer chez lui au Liban. Hilary Clinton, alors secrétaire d’état de Barack Obama, s’en mêlera à son tour et il ne sera jamais libéré alors qu’il est libérable depuis 1999.
Cette année, c’est la date du 7 octobre, un an après l’attaque meurtrière du Hamas sur le sol israélien (baptisée “Déluge d’al-Aqsa”) et le début du génocide à Gaza, qu’a choisi la Justice pour sa comparution concernant sa nouvelle demande de libération. Une réponse définitive est attendue ce vendredi 15 novembre. Mais l’histoire récente montre que pourtant prompte à expulser les ressortissants qu’elle juge criminels, la France a bien du mal à renvoyer Georges Ibrahim Abdallah chez lui au Liban. La libération du militant communiste semble représenter pour Paris une menace envers Israël et le risque d’un regain de résistance en Palestine. Par ailleurs, les pressions israéliennes et américaines ne se relâchent pas.
2024 est une année particulière pour Georges Ibrahim Abdallah car il s’agit de sa 40ème année de détention dans les geôles françaises. Ce 26 octobre à Lannemezan, de nombreux syndicats et associations sont là pour exiger sa libération. La campagne unitaire pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah ( CULpGIA) comprend plusieurs associations. Le collectif Palestine vaincra, l’Union juive française pour la paix (UJFP), l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) ainsi que le Comité de soutien à la Palestine de Toulouse, sans oublier la Ligue de jeunesse révolutionnaire (LJR), sont là. D’autres structures comme le Comité Action Palestine (CAP) de Bordeaux, Urgence Palestine Marseille, Urgence Palestine Paris ou l’AFA Tolosa sont aussi là. Tout comme les étudiant·es de la Fédération syndicale étudiante (FSE) de Rennes et de Bordeaux, qui donnent de la fraîcheur au cortège.
Avec en toile de fond le contexte brûlant du génocide en cours à Gaza et des exactions de l’armée israélienne au Liban, les militant·es regroupé·es à la gare de Lannemezan en fin de matinée s’acheminent vers le centre pénitentiaire où est détenu Georges. Chaque groupe porte des drapeaux palestiniens, libanais ou à l’effigie du détenu. Des drapeaux kanak ainsi que des banderoles où l’on peut lire divers slogans de soutien sont aussi brandis dans le cortège.
Les troupes, motivées malgré l’air frais et la pluie battante, scandent leurs slogans favoris : « Vive la lutte armée du peuple Palestinien ! », « Palestine vivra, Palestine vaincra ! », « Georges Abdallah, il est de nos luttes, nous sommes de son combat ! ». En s’approchant de la prison, les militant·es commencent à crier bien fort afin de se faire entendre par les prisonniers et par Georges en particulier en secouant les grilles qui entourent la prison et en criant : « Georges, Georges, tes camarades sont là ! » Un moment magique et tragique à la fois où tout ce monde se sent très proche et très loin de lui : proche en pensée mais loin physiquement car on ne le voit pas.
Les plus téméraires se mettent à escalader les grilles pour y accrocher les drapeaux palestiniens ainsi que les grandes banderoles à son effigie et dans ce joyeux tintamarre, les fumigènes colorés s’élancent dans le ciel. Certains se rapprochent de la prison, en face des forces de l’ordre. Lorsque tout le monde s’est réuni devant la prison, divers discours sont tenus, pour rendre hommage à Georges Ibrahim Abdallah mais aussi à Suzanne Le Manceau, responsable depuis 20 ans de la campagne pour sa libération, une ardente militante décédée il y a quelques mois. Une députée des Hautes Pyrénées prononce un court discours pour apporter son soutien au militant détenu.
Ce jeudi 14 novembre, les soutiens de Georges Ibrahim Abdallah appellent à des rassemblements dans plusieurs villes du pays – dont Toulouse où le rendez-vous est donné à 18h30 au métro Jeanne d’Arc -, devant les infrastructures représentatives de l’État telles que les mairies et les préfectures pour exiger sa libération. Demain 15 novembre, jour du délibéré de l’audience devant le tribunal d’application des peines, le plus vieux prisonnier politique du pays saura si il peut enfin retrouver la liberté.