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Temps-mort pour la Boutique Solidarité

by Meryem Bahia

Depuis le 20 juillet dernier, la Boutique Solidarité située dans le quartier de Bonnefoy, au 6 de la rue des jumeaux, était, de fait, fermée. Le 17 septembre, elle a officialisé cette fermeture.

La devanture de la Boutique Solidarité, désormais fermée (© Meryem Bahia)

Créée en 1995 par la Fondation Abbé Pierre pour le Logement des Défavorisé.e.s (1), la Boutique Solidarité est un accueil de jour présent sur les bas du quartier Bonnefoy, au 6 de la rue des jumeaux.

Depuis presque vingt-cinq ans, elle propose à ses usagers un espace de repos, d’accueil, d’écoute, notamment des services de première nécessité : temps d’accueil collectif du lundi au vendredi de 08h30 à 12h00, bagagerie (la seule en centre-ville), douches (jusqu’à 11h30), laverie. Mais aussi des temps d’ateliers, d’orientation, d’accompagnement collectif et/ou individuel l’après-midi, mis en place par une équipe de onze professionnel.le.s salarié.e.s (dont huit à temps partiel) : travailleuses sociales-travailleurs sociaux, animatrices-animateurs, éducatrice sportive-éducateur sportif, plus un.e infirmier.e et un.e psychologue présent.e.s plusieurs fois par semaine. Dans un communiqué publié au moment de sa fermeture, la structure parle de « plus de 25 000 passages en 2018 à la Boutique Solidarité : 2 300 personnes accueillies par mois. »

Au croisement de la rue des Jumeaux, où se trouve la Boutique, et de la rue du Maroc (© Meryem Bahia)

Car depuis le 20 juillet 2019, la Boutique a tiré son rideau de fer et n’offre plus qu’un service restreint à celles et ceux qui la qualifient de « maison » et de « repère » : bagagerie de 9h à 12h (sauf le mardi), laverie à 11h (lundi, mercredi jeudi), distribution de duvets, rendez-vous avec la psychologue (lundi et vendredi), activités extérieures (foot, pétanque, théâtre, boxe).

En effet, l’actuel local ne répond plus ni à la demande ni aux besoins des usagères et des usagers qui doivent, avec les travailleuses et les travailleurs, vivre et survivre dans un quartier laissé à l’abandon par les pouvoirs publics. Comme pour les habitantes et les habitants, la question du déménagement de la Boutique est posée depuis 2015. Malgré les nombreuses sonnettes d’alarme tirées par l’Association régionale de prévention d’aide face aux dépendances et aux exclusions (Arpade) qui gère la structure (2), rien ne bouge. Si ce n’est la subvention de Toulouse Métropole qui a subit une baisse de 4 %. L’acharnement à déloger, expulser, murer, condamner. Le bâtiment au croisement de la rue René Tastayre et de l’avenue de Lyon qui se transforme en dune de poussière. Ou encore, la détermination avec laquelle on efface toute trace de vie dans cet espace.

« Aujourd’hui, nous ne pouvons plus assurer la sécurité des sans-abris et des salarié.e.s. Nous avons donc pris la décision de fermer la Boutique Solidarité à durée indéterminée. », indique la Boutique Solidarité dans son communiqué.

La question du nouveau local est centrale dans les revendications de la Boutique. Un local accessible et adapté. Qu’il soit capable, en termes de superficie, d’accueillir toutes les personnes qui se présentent dans des conditions dignes. Qu’il soit capable, en terme de structure, d’accueillir toutes les personnes qui se présentent, quelque soit leur situation physique ou mentale, dans des conditions dignes.

Pendant longtemps la détermination de cet espace a été soumise à une condition sine qua non : un local situé en centre-ville. Comme il l’est là, prés de la gare Matabiau. Aujourd’hui, l’urgence de l’hiver qui arrive impose aux travailleuses-travailleurs de la Boutique Solidarité de lâcher sur le bras de fer. Et de demander a minima, un local propre et « surtout pas dans un quartier sans vie » rapporte un travailleur de la Boutique.

Un bâtiment au croisement de la rue Tastayre et de l’avenue de Lyon, au coeur du quartier concerné par le projet TESO (© Meryem Bahia)

L’arrière court du Faubourg, allant de la rue du Maroc au chemin du Raisin, est laissée à l’abandon ; si bien que cet accueil de jour continue d’errer quasi seul dans un quartier quasi sans vie. Sous l’œil attentif et retenu de la métropole, la misère s’installe. Elle seule résiste aux courses de rats, aux poubelles pleines, aux lampadaires à peine éclairés. Elle seule résiste, jusqu’à ce qu’elle soit suffisamment insupportable et sclérosée pour invoquer la nécessité de la déloger. Ici, les éclats de rire, les cris de la rue et le bruit rassurant de la vie de quartier s’éteignent face aux mur murés du gigantesque TESO (3).

La périphérie est le leitmotiv de l’assainissement métropolitain. Cacher, mettre au ban et en banlieue, offrir au tourisme affairiste l’image d’une ville lisse et policée où même les arbres se tiennent au garde-à-vous derrière leurs barreaux de fer. En ne donnant pas un local en centre-ville à la Boutique Solidarité ; en prenant un arrêté anti-bivouac ; en expulsant et murant des bâtiments vides, la mairie met dehors des personnes qui survivent déjà dehors, portant ainsi à son paroxysme les logiques de gentrification.

  • (1): la Fondation Abbé-Pierre pour le logement des défavorisé.e.s est une Fondation reconnue d’utilité publique crée en 1992 par l’Abbé Pierre dont le but est de lutter contre l’exclusion en combattant le mal-logement.
  • (2): l’Association régionale de prévention d’aide face aux dépendances et aux exclusions (Arpade) lutte depuis 1973 contre la précarité sociale et toutes les addictions. Au sein du Centre de Préparation à la Vie Autonome( CPVA), Arpade gère plusieurs dispositifs comme la Boutique Solidarité, deux centres d’hébergement en insertion sociale, un point d’écoute prévention, etc.
  • (3): Toulouse Euro Sud-Ouest (TESO) est un vaste programme de rénovation urbaine en cours dans les quartiers Matabiau, Bonnefoy et Belfort, au centre de Toulouse.
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