À 63 ans, Larbi Abbaci est le gérant de la salle de sport Escale Forme, dans le quartier Fontaine-Lestang, à Toulouse, depuis 24 ans. Ce père de famille, de tempérament travailleur, revient sur son parcours et s’interroge sur la suite de l’aventure alors qu’il est sous la menace de l’expulsion de sa salle par la propriétaire et l’huissier qu’elle a mandaté.
« Purple rain » en fond sonore, Larbi Abbaci traverse sa salle de sport en surveillant du coin de l’oeil un sportif âgé sur le banc de développé couché. Son visage se détend quand un autre membre se rapproche instinctivement pour assister l’aîné. Le gérant d’Escale Forme sourit, fier de cette entraide conviviale : « Je les considère comme ma famille et inversement. »
Escale Forme, c’est plus de vingt quatre ans de sa vie. Arrivé à Toulouse à la trentaine, il commence par être bénévole à la Cimade, association d’aide aux personnes réfugiées et migrantes. En parallèle, il fréquente la salle de sport dont il reprendra la gestion au bout de quatre ans. « Cette salle c’est toute ma vie, j’y tiens énormément même si je suis l’esclave de mon travail. » confie-t-il. Présent tous les jours de 8 heures à 21 heures, Larbi ne lésine âs à la tâche quand il s’agit de son travail. Seul aux commandes, il donne temps et énergie sans compter. « Je ne me plains pas. Mais est-ce que j’ai vécu la belle vie ? Je ne sais pas. » soupire ce papi qui travaille trop et regrette de ne pas suffisamment voir ses enfants.
Lorsqu’il parle de ses filles, Sarah, Mouna et Yasmine, le gérant fatigué laisse place au père de famille empli de fierté. Son visage s’attriste quand il explique qu’il n’a jamais pu les emmener au ski, même s’il est fier que ses enfants parlent arabe, anglais, français et espagnol. « Le but de mes sacrifices c’est que mes enfants vivent mieux que moi. » Alors le père de famille a toujours tout fait pour qu’elles connaissent son histoire et adoptent leur double culture franco-algérienne.
Tous les mois d’août, la famille se rend à Annaba, en Algérie. C’est là qu’il a grandi. « C’était misérable mais beau », se souvient l’ancien. Un sourire nostalgique s’installe sur ses lèvres quand il évoque ses souvenirs d’enfance. Le ballon fabriqué avec des morceaux de caoutchoucs et de plastiques ; son père qui allait à l’usine en motocyclette ; sa mère qui s’occupait de tout à la maison. Proche de la retraite, celui qui s’ennuie les jours fériés et a peur de la solitude, envisage de retourner au pays : « Après trente cinq ans je ne sais toujours pas pourquoi je suis parti. Alors la retraite on verra bien, je n’y pense pas trop pour l’instant. »
Pourtant, elle pourrait être plus proche qu’il n’y parait. La propriétaire du local a lancé une procédure judiciaire en vue de le faire expulser avant la fin de son bail, prévu en 2027. Après l’épuisement de différents recours en justice, un comité de soutien a été organisé par des membres de la salle le 28 septembre dernier. Larbi a été touché par le geste, « beaucoup de monde s’est déplacé pour venir me soutenir, ça fait plaisir. » S’il ne sait pas encore où il ira pour la retraite ou après la fermeture, il reste positif : « Ma mère me disait toujours “il ne faut pas gratter l’endroit qui ne te démange pas.” » Ce dicton devenu crédo, Larbi attend paisiblement de découvrir ce que l’avenir lui réserve.
Pour écouter le témoignage de Larbi c’est par ici :
Le Comité de soutien pour la sauvegarde de la salle a aussi mis en place une pétition : https://www.mesopinions.com/petition/social/soutien-salle-sport-escale-forme/217116