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Le témoignage d’un médecin toulousain de retour de Gaza

by Leïla Larabi
Le tract invitant à la soirée de témoignage du docteur toulousain Khaled Benboutrif.

En janvier dernier, le docteur Khaled Benboutrif, médecin généraliste à Bagatelle, s’est rendu en mission humanitaire dans la bande de Gaza. Depuis son retour, il témoigne de ce qu’il y a vu pendant deux semaines: des milliers de civils blessés et tués par l’armée israélienne, et des infrastructures hospitalières débordées. Chouf Tolosa a assisté à une soirée en sa présence.

Lundi 13 mai, de retour de la bande de Gaza, où il s’est rendu du 22 janvier au 6 février 2024 avec Palmed France, une association regroupant des médecins palestiniens en Europe et « apportant une aide matérielle et un programme de développement des compétences médicales en Palestine et dans les camps de réfugiés au Liban », le médecin toulousain Khaled Benboutrif est venu témoigner lors d’une soirée à la maison de quartier de Bagatelle.

Organisée par plusieurs associations – BDS, Collectif blouses blanches pour Gaza Toulouse, Palestine Solidarité Toulouse et les amie·s de Jalboun -, la soirée a réuni une trentaine de personnes environ de divers horizons, des habitants du quartier comme des militants de longue date.

Le médecin a d’abord fait passer des diapositives montrant l’hôpital Européen dans lequel a exercé sa délégation, composée de 21 médecins dont 7 français·es, tous·tes parti·es de Paris. Cet hôpital appartenant à l’Union Européenne situé à Khan Younes, est l’un des derniers hôpitaux encore debout dans la bande de Gaza, Israël les ayant quasiment tous détruit. Equipée initialement de 300 lits, l’infrastructure s’est retrouvée avec 900 lits à gérer, soit trois fois plus que ses capacités réelles. Les photos montrent des couloirs envahis par les réfugié·es Palestinien·nes, obligé·es de s’enfuir dans des zones dites « safe » mais pas tant que ça, vu que les bombardements sont incessants ainsi que le bruit des drones.

Ils et elles étaient plusieurs dizaines dans les locaux de la maison de quartier de Bagatelle por écouter le récit du médecin (Photo: LR)

« Les conditions étaient chaotiques vu le manque de moyens, de médicaments et d’anesthésiants obligeant les médecins à amputer sans anesthésie, raconte Khaled Benboutrif. Même les réactifs (produits utilisés en laboratoire, NDLR) des labos étaient inexistants, rendant impossible toute analyse biologique et tout suivi sérieux quant aux infections. »

Assurant qu’il n’a soigné que des civils, majoritairement des femmes et des enfants ainsi que des personnes âgées, et donc aucun combattant du Hamas, mettant à mal les dires d’Israël, le médecin explique avoir été choqué par les blessures souvent mortelles faites aux enfants : « Nous avons constaté des tirs délibérés de snipers au niveau de leur nuque qui les tuent ou les rendent tétraplégiques. Israël utilise les armes les plus sophistiquées au monde sur des civils dont la majorité sont des enfants ».

S’ajoutent à cette situation les soins impossibles pour les malades chroniques qui les condamnent, à moyen ou court terme : les dialysés qui voient leur temps de dialyse diminué ou les cancéreux qui ne peuvent être soignés, vu que le seul centre de cancérologie a été bombardé. Et les blessés qui finissent par périr à cause des infections post opératoires : la mortalité chez les blessés atteint ainsi les 60 %, selon le docteur, les coupures d’électricité, le manque d’eau accentuant cette situation catastrophique. La délégation de médecins internationaux qui s’est rendue sur place a été réellement traumatisée par ce qu’elle a vu et vécu : tri des malades, amputations sans anesthésie et le sentiment d’avoir abandonné malades et blessés lourds à leur triste sort

Cependant, explique Khaled Benboutrif, « les collègues palestinien·nes se félicitent d’avoir du renfort de l’étranger pour deux raisons au moins : l’aide concrète reçue, sachant qu’Israël n’a laissé passer les humanitaires qu’après 4 mois d’offensive; et le fait que nous, médecins étrangers constituons un relai auprès des opinions publiques occidentales afin de témoigner du génocide en cours. »

Dans les quartiers sud de Toulouse, un graff de solidarité avec le peuple palestinien de la bande de Gaza soumis depuis près de 9 mois aux attaques meurtrières de l’armée israélienne (DR).

De fait, depuis son retour, Khaled Benboutrif s’emploie à témoigner de la terrible situation des Gazaoui·es et de l’abandon dans lequel ils et elles se trouvent. A la question de savoir que faire pour aider les Palestinien·nes, sa réponse tient en quatre points : « faire des dons, boycotter, communiquer et surtout voter. » Au Sénat et à l’Assemblée nationale, avant sa dissolution consécutive aux scrutin européen du 9 juin, il a rencontré des représentants des partis d’opposition, en particulier la France Insoumise, les écologistes et le Parti communiste.

Pour leur faire part d’une situation catastrophique dont les chiffres disent l’ampleur : au 21 mai, après 6 mois et demi d’offensive et de de bombardements incessants de l’armée israélienne sur la bande de Gaza, selon l’Unicef, le bilan était de  35562 personnes tuées dont plus de 14000 enfants et 9000 femmes ; Plus de 79500 personnes blessées dont 12300 enfants. Des milliers d’autres personnes sont portées disparues et seraient probablement sous les décombres. Selon ces estimations, un enfant palestinien·ne est blessé ou tué toutes les 10 minutes et les femmes et les enfants représentent 70 % des victimes.

Deux petits « miracles » dans le chaos de Gaza 

Au cours de ses deux semaines de présence et d'intervention sur place à Gaza, le docteur Khaled Benboutrif a aussi pu assister à d'incroyables et précieuses histoires de survie et de résilience. Ainsi de cette « dame qui est restée coincée deux mois sous les décombres » et à qui on a passé, durant toute cette période, de l’eau et de la nourriture pour la maintenir en vie. « Quand les sauveteurs ont réussi à la dégager, raconte le médecin, elle a été examinée et a pu repartir, saine et sauve, afin de retrouver sa famille. » Ou cette autre histoire : « Une dame blessée à la tête, tombée dans le coma et pour qui on n’espérait plus rien, la réanimation étant saturée. On l'avait mise de coté, pensant qu’elle allait mourir. Mais quatre jours après mon retour en France, on m’a annoncé qu’elle s’était réveillée avec une mémoire intacte et qu’elle avait pu rejoindre sa famille ». Deux petits « miracles », deux fragiles rayons d’espoir, dans l'océan de désespoir qu'est devenue la bande de Gaza.

Quant aux survivant·es, ils et elles vivent un exode sans fin, une autre Nakba. Ils et elles sont 1,7 million à avoir fui plusieurs fois le Nord et le centre de l’étroite bande de terre, à la recherche d’un refuge vers le Sud, notamment à Rafah. Mais à Gaza, devenu l’un des endroits les plus dangereux au monde, plus aucun endroit n’est sûr. 82 % des infrastructures de santé y ont été partiellement endommagées ou complètement détruites selon l’Unicef.

Au-delà de ces chiffres, les images vues sur les réseaux sociaux montrent l’ampleur des dégâts matériels et l’horreur des blessures infligées, comme en témoigne Khaled Benboutrif. Et les corps déchiquetés des enfants et la découverte des charniers dans divers hôpitaux gazaouis prouvent la volonté d’Israël de détruire un peuple colonisé et à sa merci. Bientôt 9 mois que les massacres se poursuivent : il faut un cessez le feu immédiat pour y mettre fin.

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