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De la caravane à Origines Contrôlées, des souvenirs familiers

by Meryem Bahia

Du 17 au 24 septembre se tenait dans les quartiers nords de Toulouse, entre Izards, Mazades et Borderouge, la 19ème édition du festival Origines Contrôlées. L’occasion de donner la parole aux bénévoles, maillons essentiels de l’histoire de ce festival.

Driss, Keylan, Nora et Yanis en cuisine ( © Meryem Bahia)

« Cette 19ème édition renouvelée du festival Origines Contrôlées va parcourir les espaces, physiquement et symboliquement ». C’était la promesse des organisateurs du Tactikollectif et elle a été tenue.

Le festival Origines Contrôlées, qui s’est déroulé du 17 au 24 septembre dernier, a proposé au public une programmation variée mettant en lumière la multiplicité des pratiques artistiques et la diversité des formes d’expression qui existent dans les quartiers (voir le casting de la programmation dans notre encadré en fin d’article).

« Je savais qu’il y avait le festival à cette période, mais je suis un peu inactif en ce moment, donc je ne me suis pas motivé tout seul. Et une semaine avant le festival, Tayeb m’envoie un SMS – est-ce que t’es dispo la semaine prochaine – j’ai trouvé l’énergie direct. Je me suis rappelé l’an dernier, à quel point j’avais kiffé, du coup je n’ai pas hésité une seule seconde. Je lui ai répondu que je serais là tous les jours pour aider, que ça me ferait plaisir. », Oscar.

Cette édition, comme le festival depuis ses débuts, a réussi à faire coexister le singulier et le collectif, démontrant qu’il existe une pluralité de manière de créer, d’ambitions artistiques et de points de vue (tous aussi touchants les uns que les autres) pour dire nos histoires et nos réalités, dans les quartiers, comme ailleurs. Et raconter, ab extra, depuis plusieurs endroits et depuis plusieurs modes de réflexion et de création, des particules d’histoires populaires qui, mises bout à bout et interagissant côte à côte, participent au maillage d’une plus vaste histoire culturelle des quartiers et de l’immigration. Le festival avait décidé cette année de naviguer dans les quartiers nord de Toulouse, prenant comme principal pied à terre, d’abord, les personnes qui le font vivre et lui donne sa raison d’être.

Morgann, Chloé et Oscar en pause (© Meryem Bahia)

« Ah là, tu vas voir des jeunes, quand on a fait Caravane, ils n’étaient même pas nés ! (Rires) », Dialo.

Que ce soit dans les évènements culturels, les festivals de musique, de cinéma, les regroupements sportifs ou encore à l’ombre quotidienne des structures associatives, la figure du bénévole est omniprésente. Elle parcourt silencieusement toutes ces histoires, trouve dans sa trajectoire individuelle les motivations propres de son investissement ; les met en résonnance avec une ambition collective ; et travaille, souvent de manière invisible, beaucoup de manière acharnée et gratuite, à la mise en place et la possibilité d’existence de ces activités. Alors, c’est à travers le regard de quelques bénévoles du festival Origines Contrôlées 2022 que j’ai eu envie de raconter cette édition. Pour leur rendre hommage. Pour, à la manière de Mouss et Hakim lors de la soirée consacrée aux 30 ans de « ça bouge au nord, Caravane 92 », rendre hommage à toutes celles et ceux qui depuis peu ou des années, de manière sporadique ou régulière, investissent leur temps et leur énergie pour créer, fabriquer et soutenir ces évènements essentiels à la vie des quartiers et au-delà.

« On est venu le matin à huit heures. On a installé juste là deux loges plus le catering, ça fait un total de huit tentes qu’on a monté, qu’on a rempli avec des canapés, des fauteuils qu’Emmaus Pau nous a ramené. On a installé toute une rangée de barrière pour contourner le truc. Ça c’est l’espace repos, l’espace où on bouffe, là où on est tranquille. Et le soir, quand il y a des évènements, donc soit concert, soit hier soir c’était un forum animé avec des images des festivals des précédentes éditions d’il y a trente ans, on est là. On alterne entre la sécurité, le bar, prendre des photos, accompagner les artistes au catering. On est un peu les hommes à tout faire, on est là où il y a besoin d’aide. C’est fatiguant, mais c’est gratifiant. », Oscar.

Malgré l’intensité de l’effort fournit et du travail exigé, Oscar, Chloé et Morgann s’accordent sur un même point : il y a plus à prendre qu’à perdre. Même si le bénévolat est du travail gratuit au sens salarial du terme, quand il s’assortit de reconnaissance, de valorisation, de partage de compétences et de savoirs, de possibilités d’interactions humaines et sociales, etc. il est ressenti et exprimé par les personnes qui le font, comme un véritable espace pédagogique transversal, où chacun·e, selon ce qu’il ou elle cherche, selon ce qu’il ou elle découvre, inscrit cette expérience dans sa trajectoire individuelle et grandit avec.

« Y’a que du “plus” dans tous les cas. Surtout que le Tactikollectif, c’est un peu la famille. Je n’ai pas l’impression de travailler, je suis trop contente. J’attendais que ça. Je suis revenue sur Toulouse, j’étais là – il y a le festival, c’est mon moment ! – C’est trop bien de se sentir un peu important, d’être utile. C’est bien d’être utile sans compétences. », Chloé.

« Peu importe ce que je fais, on est toujours avec du monde. Ça n’a pas la même demande physique, mais tu vas toujours avoir quelqu’un avec qui discuter, quelqu’un qui va te raconter comment ça se passait les années précédentes ou qui va juste t’apprendre comment on fait les branchements, comment on installe le son, comment on installe la lumière. Donc ça apporte humainement, mais tu apprends aussi plein de choses que t’apprends nulle part ailleurs. Ça te donne de l’expérience sur le terrain. », Oscar.

Quelques initiateurs et bénévoles de la Caravane de Marseille, Mantes-la-Jolie,
Bondy, Saint-Etienne et Toulouse (© Meryem Bahia)

Tandis que je passais mes journées et soirées à suivre Oscar, Chloé, Morgann et les autres pour documenter le festival et rendre compte de leur quotidien et de leur implication, le 23 septembre, j’ai assisté, émue, à une faille spatio-temporelle sur le parvis de la salle Ernest Renan. A côté des corps en activités et en courses des bénévoles de cette année, se retrouvaient à grands coups de rires et d’embrassades, les ancien.ne.s bénévoles de Caravane. Venu.e.s des quatre coins de la France, certain.e.s ne s’étant pas vue depuis des dizaines d’années, ils et elles se re-rencontraient là pour se souvenir ensemble, transmettre et raconter leur histoire, autour d’images d’archives et d’un fil sonore animé par Mouss et Hakim.

« Je trouve ça beau aussi qu’il y en a certain ça fait peut être vingt ans qu’ils sont là à faire le même festival en tant que bénévole, à se la donner pour l’intérêt de tous. Pour l’intérêt de ce que ça défend, de ce que ça montre. », Morgann.

Le lendemain, là où la photo des ancien.ne.s était prise, s’installait le barnum de l’équipe sandwich du festival, composée de jeunes habitant.e.s des Izards et coordonnée par Nora. C’est à ce moment-là que je prenais la mesure de ce qui était en train de se passer sous mes yeux : dans les quartiers aussi les choses peuvent durer et c’est nécessaire de raconter ça, pour que ça reste. Même si les espaces changent, même si les équipes changent, ce moment m’a permis de me rappeler que tant qu’il existe des évènements comme Origines Contrôlées, des espaces de mixité générationnelle avec des gens pour se souvenir et d’autres pour écouter, on peut étirer le temps, rendre compte d’une histoire ancrée en perpétuel mouvement et inventer des formes de musées urbains vivants. Le fil conducteur de toutes ces éditions, ce sont aussi les bénévoles qui le tissent.

Alors, comme me l’ont dit Chloé, Oscar et Morgann, rendez-vous l’année prochaine. En fêtant les vingt ans du festival, peut-être qu’on pourra se demander : ça veut dire quoi finalement grandir ensemble ?

Du cinéma et du stand-up

Pour sa 19ème édition, Origines contrôlées a fait la part belle au grand écran et au stand-up, sans pour autant renoncer à la musique.

Le 17 septembre, à l’Utopia Borderouge c’était carte blanche au réalisateur Pascal Tessaud avec la projection de son long-métrage « Brooklyn », précédé de quatre courts : « Rap de vaincre » de Sonadie San ; « Soldat Noir » de Jimmy Laporal Trésor ; « Merlich Merlich » de Hannil Ghilas ; et « Les Splendides » de Meryem-Bahia Arfaoui (auteure de cet article).

Le 21 septembre, sur la scène du théâtre des Mazades, plusieurs comédiens du Jamel Comedy Club – Farid Chamekh, Félix Dhjan, Redouanne Harjane, Ayoub Marceau, Rey Mendes, Louis Chappey – ont affiché salle comble .

Enfin, le 23 septembre, sur la scène de la salle Ernest Renan, Mouss et Hakim ont animé une soirée concert, mémoire et hommage au festival « Ça bouge au nord » et à « Caravane 92 ». Le lendemain, sur la même scène, Bongi, Sofiane Saidi et Rim-K clôturaient le festival.

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