Samedi 16 novembre, les Gilets Jaunes ont fêté le premier anniversaire de leur mouvement. Si le principal événement était organisé à Paris, la ville de Toulouse, théâtre de manifestations sans interruption tous les samedis depuis un an, a mobilisé un grand nombre de manifestants.
Anniversaire oblige, ce jour-là, samedi 16 novembre, les chaînes de télévision retransmettent les évènements parisiens de cet acte 53. BFMTV diffuse des images de poubelles enflammées, commentées par les mots « casseurs. » et « violents ». Le traitement médiatique réservé au mouvement qui ne s’est visiblement pas essoufflé reprend.
A Toulouse, il est 14H15, lorsque le cortège s’élance vers le quartier Jeanne D’Arc depuis le point de départ, la place Jean Jaurès. Le temps froid et pluvieux de la journée n’a pas eu raison de la détermination des manifestants. Le monde présent est visible sur toute l’avenue, et audible par leurs slogans chantés en chœur. Seulement quelques minutes plus tard, à 14h22 précisément, les premières grenades lacrymogènes sont lancées. Le cortège fait demi-tour et certains empruntent des rues adjacentes au boulevard pour fuir l’épais nuage de gaz qui, déjà, les poursuit. La division est opérée, seul un petit groupe se retrouve près du métro Jean Jaurès. Au milieu de la route, leur présence perturbe la circulation, ce qui provoque l’avancée progressive d’une rangée de CRS située sur la place. La présence policière est accentuée par le bourdonnement aérien de l’hélicoptère qui survole les divers groupes à travers la ville.
Au loin, en direction de la gare, un épais nuage de gaz se dessine. Le groupe dans lequel je me trouve réagit instantanément : « On y va ! », crient certains. Sur les allées Jean Jaurès, le pas est lancé, et les chants entonnés. Les barrières destinées à délimiter les travaux sont mobilisées par les manifestants sur leur passage. Des barricades s’érigent sur toute la largeur de l’allée, ce qui provoque la réaction des CRS qui ont gagné du terrain. Une salve de grenades lacrymogènes est tirée, créant encore un immense nuage sur toute l’allée, traversé par une équipe de la BAC, qui se dirige à vive allure dans une ruelle où une poubelle s’enflamme.
Aux alentours de 16h, un rassemblement s’opère au niveau de la place Jean Jaurès. La fontaine du rond-point Wilson, dont l’eau est colorée d’un jaune vif, rassemble les manifestants qui viennent de toutes directions. Une fois le monde remobilisé, la marche reprend en direction du quartier Saint Georges. Une tentative d’emprunter la rue Alsace-Lorraine est entreprise avant d’être interrompue par de nouveaux lancés de grenades. Divers petits groupes se dispersent dans le but d’atteindre l’objectif fixé : gagner le centre ville. Les forces de l’ordre y sont mobilisées et n’attendent pas que le cortège ait l’opportunité de se regrouper pour faire usage de la force. Le cœur citadin est à nouveau plongé sous un nuage de gaz dont les passants font les frais. La stratégie policière établie paraît claire : tout faire pour que les manifestants ne parviennent pas à accéder au Capitole, interdit d’accès, comme tous les samedis, par un arrêté préfectoral émis la veille.
Au bout d’une heure, certains manifestants décident de regagner le principal point de convergence : Jean Jaurès. La mobilisation qui renaît se fait encercler par des rangées de CRS qui n’hésitent pas à bloquer violemment les passants qui tentent de quitter la place. Un homme est projeté au sol par un CRS qui use de son bouclier, pendant qu’un autre me fait un croche-patte pour m’empêcher de passer. Après m’être extirpée de cette situation, je cherche un groupe potentiel. Des chants et des cris retentissent, émis depuis le croisement entre la rue Lafayette et Alsace Lorraine, en direction du Capitole. Je décide de me rendre sur place, où l’ambiance est festive. Le chanteur non -oyant Kessy Mac-Quean ambiance les troupes. Les CRS toujours présents se rapprochent des manifestants qui dansent sur la voix du chanteur. Soudain, des lacrymogènes sont projetés vers les manifestants à la gazeuse à main et un lancé de grenade est suivi d’une charge de policiers qui projettent violemment les personnes au sol. Après cette répression, certains décident de poursuivre leur route vers Jean Jaurès, où les forces de l’ordre procèdent à des contrôles et des interpellations. Le secteur est quadrillé par les troupes de gendarmes et policiers, et la manifestation non déclarée prend fin.
Symbole du mouvement social ayant duré le plus longtemps en France, cet acte 53, anniversaire du mouvement des Gilets jaunes aura été l’occasion d’une convergence imprévue. Suite à la tentative d’immolation, le 8 novembre dernier à Lyon, du jeune Anas K. qui s’était vu retirer ses aides boursières, les étudiants du Mirail avaient décidé de rejoindre la mobilisation de ce 16 novembre. Tout comme les Gilets jaunes, ils se remobiliseront lors de la grève générale du 5 décembre prévue à travers tout le pays.