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Brèves de confinement (#2)

by Leïla Larabi

Jour numéro X… J’ai arrêté de compter depuis qu’on est sûrs de rien, donc depuis le début. Une petite vue médicale sur ce confinement. 

Le coronavirus vu d’Empalot (©ER)

Partie un matin faire des analyses, pas de masque ni de gants à ce moment-là, juste une écharpe et un gel hydroalcoolique datant d’avant la guerre pour parler comme Macron.

A la première heure le laboratoire est vide.

Durant cette période un peu particulière, l’équipe de Chouf Tolosa vous propose une nouvelle série, ces « brèves de confinement », notre façon de raconter cette séquence de l’intérieur. Bonne lecture et n’hésitez pas à nous envoyer vos propres récits ( contact@chouftolosa.info ).

J’approche de l’accueil mais pas trop, il y a une rangée de chaises devant et du scotch épais qui les entoure, style scène de crime, pour ne pas avancer.

Je regarde la secrétaire, le visage caché par un masque chirurgical, en lui demandant :

« je fais comment pour vous donner l’ordonnance ? »

Elle me répond avec véhémence : faut rester où vous êtes et poser vos papiers sur une chaise sur la gauche et éloignez-vous.

Je pense : on dirait une arme, mon ordonnance, faut la déposer délicatement et s’éloigner. Et je m’exécute en me demandant comment va faire la laborantine pour me vampiriser le sang, si elle doit rester éloignée, vu que mes bras ne sont pas extensibles…

Mais je suis reçue par une assistance moins stressée que la secrétaire, qui m’approche sans être paniquée.

Prise de sang faite, on me dit que les résultats seront disponibles par internet ou par courrier postal 

Vu l’état de la Poste, je préfère internet en me disant qu’un pigeon voyageur serait plus efficace que le facteur, en temps de Covid. 

Autre lieu, l’hôpital Purpan, pour mon hospitalisation de jour. Je m’attendais à voir du personnel soignant mieux protégé mais on connaît le problème en France, ce pays en voie de développement pour le matériel : les infirmières n’ont que des masques chirurgicaux, sans plus.

J’ai réussi à avoir un masque FFP2 utilisé dans les chantiers et le neurologue m’en a fait la remarque en souriant : « Où l’avez vous eu ? »  Je me suis sentie coupable en pensant alors à la défaillance de l’État à équiper ceux qui nous soignent.

Je m’étais renseignée pour savoir où se trouvaient les services Covid et où en était l’épidémie sur Toulouse. Réponses : un étage dédié au 6ème étage du CHU et Toulouse mieux préparée que Paris et le Grand-Est, vu qu’elle pourrait réquisitionner des cliniques privées au cas où les hôpitaux seraient submergés. Mais j’ai aussi vu cette bizarrerie du jour qui montre la peur humaine : des bouteilles de gel hydroalcoolique enlevées des chambres individuelles parce que volées . 

L’hôpital était vide, les secrétariats pour les prises de rendez-vous étaient fermés. 

L’hôpital, c’est jamais gai mais là c’était déprimant. 

Une atmosphère d’abandon créée par un truc si petit et si dangereux…

J’espère qu’à ma prochaine visite, on sera sortis de ce qui ressemble à un mauvais film catastrophe parce que dans un bon film, les médecins ne sont pas envoyés au front désarmés.

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