Le 4 avril dernier, Helin Bölek mourrait chez elle, à Istanbul, après 288 jours de grève de la faim contre la censure et la répression subies par son groupe Yorum. D’origine kurde alevi, Helin Bölek était l’une des chanteuses de ce célèbre groupe de musique révolutionnaire, cible du pouvoir turc. La toulousaine Abida Allouache lui a rendu un hommage dans un texte à retrouver sur son blog et dont Chouf Tolosa se fait ici le relais.
Pour Helin Bölek
Helin ma petite soeur de Turquie / Tu es partie / Un vendredi 4 avril 2020 / De ce drôle de printemps / En ce temps du confinement / Oui, ma chérie, nous sommes enfermés / Nous l’avons désiré, accepté, nous l’avons revendiqué
Ils nous ont fait peur de ne plus pouvoir nous repaître / Des tonnes de surgelés, de chiffons et de tas d’objets / De cette société capitaliste de surconsommation / Que tu avais tant dénoncé avec les dangers de la domination / Sur les peuples opprimés / Dont tu étais la fière égérie
En musique tu martelais les appels à la conscience et la dignité / Avec ton groupe Yorum, vous aviez rempli les salles et les stades / Helin Gölek, / Parmi les musiciens et les danseurs, / Sous le ciel d’Istanbul / Tu t’avançais en blanc sous les applaudissements / Ta voix faisait se lever les poings / et tous chantaient en choeur avec toi
Durant 288 jours, tu t’es abstenu de manger… / Pour incarner ton refus de la tyrannie / Tu t’es assoupie, belle bougie éteinte de s’être trop consumée / D’amour pour le changement
Ils ont enfermés tes frères, / interdits vos concerts / Et t’avaient déjà mise en prison… / Pardonne-moi sœurette / Je ne le savais pas
Ton beau visage émacié / Par la veille et les jeûnes / Garde cette lumière / Que rien, ni personne n’aurait réussi à effacer.
Tu resteras ma colombe, la digne héritière, / Des filles du ciel et de la terre.
Femme au port fier / Tu as chanté altière / Contre les vents de la terreur.
Ta voix resteras témoin de ton lumineux passage / Comme furent témoins en leurs pays Maatoub l’algérien et Victor Jara, le chilien / et tous ceux et celles dont nous avons oublié les noms et prénoms…
Bella Ciao
Je t’écoute en boucle depuis ce matin / En pleurant / Mon impuissance de ne pas avoir été là, prés de toi / Mais qu’aurais-je pu faire ? / J’ai les mains vides
Seul mon coeur bat pour toi, il pleure des larmes de sang / Rouge comme celui de tous les peuples humains / Rouge comme la foi qui t’a animé / Rouge, couleur de l’Amour
Jusqu’à quand les plus valeureux des enfants de mon coeur / Vont-ils continuer à tomber / Dans vos prisons, vos pays confinés?
Jusqu’à quand allez-vous continuer à cracher sur la beauté et la liberté
Fleurs coupées / Empêchées de s’exprimer
Juste parcqu’ils-elles ont chanté le refus de tous les enfermements
Ö Helin, ma petite soeur, ma cousine
Mon beau lac lointain, / Ö mon nid d’oiseau chanteurs,
Enfin, tu tu t’es envolée / Lâchant les douleurs, la souffrance / Tu es partie le jour de la prière / Le jour de Vénus
Puisse la Rahma Illahiya / T’envelopper de son Amour infinie / Que son énergie apaise enfin les blessures que tu as subies
Ici sur la terre, les luttes, le combat continuent.
Abida Allouache, 5 avril 2020
PS: en kurde, Helin signifie “nid d’oiseaux”