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Relever le (ca)niveau des commentaires

by Mickaël

On a le temps, en ce moment, de lire des articles sur les quartiers populaires et leurs commentaires dans la presse locale. Sous couvert d’anonymat, nombre de lecteurs se lâchent en mode raciste et « salaud de pauvre ». Mais la modération n’est pas à la hauteur. Coup de gueule.

Deux commentaires d’un article intitulé « Toulouse : fusillades en série sur fond de trafic de drogue », parus sur le site de La Dépêche du midi le 28 avril. 

Le confinement est propice à la réflexion… ou pas. L’actualité médiatique continue et les quartiers populaires font l’objet de divers articles, un traitement par les presses locales allant bien souvent du médiocre au… médiocre. En cela rien de nouveau. Par contre, qui dit confinement, dit pour les lecteurs plus de temps passé sur les réseaux sociaux. Les journées sont longues et chacun y va de son commentaire. C’est devenu presque un rituel, voire même une pratique culturelle – ou artistique pour certains qui n’hésitent pas à ajouter des émoticônes pour illustrer leur toute puissance intellectuelle.

Ce commentaire et les deux suivants ont été postés à la suite d’un article intitulé « Toulouse : Un guet-apens tendu aux policiers dimanche soir dans le quartier du Mirail », publié le 20 avril sur le site 20 minutes Toulouse. 1/3

Dès qu’un fait divers se produit (la plupart du temps négatif parce que le reste est moins intéressant : des pauvres qui s’entraident, c’est moins vendeur), un article tombe. Et là, c’est le compte à rebours. J’attends avec impatience le premier « Envoyez-leur la légion, ça les calmera » si il s’agit d’accrochages entre jeunes et police. Ou encore le fameux « C’est des suédois ? », lorsqu’il s’agit de trafic de drogue. La question ne valant évidemment que pour ceux qui vendent, même si les chères têtes blondes des beaux quartiers qui viennent chercher leur conso ne sont pas plus nordiques. On a le sourire aux lèvres quand le très renommé « toute façon ils payent jamais leur loyer puisque que c’est la Caf qui le fait pour eux. Les assistés toujours les mêmes… » arrive en trombe lorsque est évoqué le gel des loyers pour éviter la grande pauvreté. Et la fête est totale quand Bernard, avec une photo de biker en profil, rajoute le dessert : « Tirez dans le tas ».

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Lire un article sur les quartiers populaires dans la presse quotidienne est devenu un véritable exercice de self-control. Un sérieux concurrent au yoga. On espère à chaque fois que la parole relatée ne sera pas seulement celle du responsable syndical de la police mais que le journaliste ira voir des jeunes, des familles, les concernés quoi. Parce que finalement, comme le dit si bien un journaliste quand il parle de la presse française, « nos quartiers, c’est pas Beyrouth, si tu veux de l’info, tu te bouges le … ». Rien d’incongru. Mais on est à chaque fois déçu. Comme en amour, on garde espoir et on retente notre chance, mais en vain. Alors on se rabat sur les commentaires. La première constatation est que ce sont évidemment toujours les plus éloignés du sujet qui commentent. L’avantage des réseaux, c’est que l’on sait tout sur tout. On est tous devenu expert en chloroquine en quelques jours alors qu’on ne savait même pas que ça existait pour la plupart d’entre nous. Et puis on répand sa pensée avec un aplomb digne d’un chef de guerre. On fait même de l’ironie. On like les commentaires les plus répugnants. Et arrive la petite touche d’humanité de la personne qui va dire « mais on est tous des humains, vos commentaires sont ignobles ». C’est comme un mauvais scénario qui se répète. RIP le code pénal. Il n’y a plus de règles, plus de loi. On répand sa haine gratuitement.

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Au début du confinement, je m’ennuyais et signalais les commentaires méritant une condamnation pénale. J’ai pu voir que Facebook répondait à mes demandes et que les commentaires de Michel sur les suédois à mitrailler avaient bien été effacés. Puis je me suis lassé parce que les cons volent en escadrille et avec mon planeur, cela me prenait trop de temps. Je me suis donc penché sur la question de la modération puisqu’aucun des journaux locaux ne semblent l’appliquer. Je voulais voir qui avait la responsabilité des propos tenus. La loi dit que si vous n’êtes pas l’auteur, votre responsabilité pénale ne peut être engagée que si vous aviez connaissance des propos avant leurs publications ou si vous n’avez pas agi promptement pour le supprimer après en avoir eu connaissance. C’est donc le deuxième élément qui pose question. Les commentaires sont visibles par tous. Cela voudrait dire qu’aucune modération n’est assurée par les journaux locaux. Au lieu d’assainir le débat (si l’on considère qu’il peut y avoir débat sur des réseaux sociaux), on laisse donc volontairement pulluler les propos les plus infâmes et les plus abjects. Au-delà de la question pénale, il apparaît une question morale. Si les journaux n’ont pas les moyens d’assurer une modération de leurs espaces de diffusion, pourquoi laisser le champ libre aux commentaires ? A qui profite le crime ?

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Antoine 24 octobre 2020 - 5 h 18 min

Juste après cet article, je lis un peu le monde et tombe sur celui-ci https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/10/23/samuel-paty-meritait-de-mourir-quatre-mois-de-prison-avec-sursis-pour-une-etudiante_6057181_3224.html. Comme quoi selon les sujets, les contenus illicites des commentaires peuvent être suivis dénoncés et avec de lourdes conséquences pour leurs auteur.e.s!
2 poids 2 mesures…

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