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« Un éducateur, pour le jeune, c’est sacré »

by Nabil

A Empalot, des habitantes du quartier se mobilisent autour du club de prévention où de récents changements suscitent l’inquiétude de nombreux jeunes et parents. Vendredi 9 décembre, l’association d’habitantes « Toutes Ensemble » organisait une réunion, à laquelle Chouf Tolosa avait été invité, pour discuter des moyens de faire face à cette situation.

Une partie des habitantes et participantes à la réunion : Bouchra, Fatima, Houaïda, Adila, Hanane et Aïcha (© Nabil)

La réunion se déroule vendredi 9 décembre dans la matinée au centre social d’Empalot, dans une petite salle de travail, autour de café, thé et gâteaux. Bouchra, Hanane, Fatima, Adila, Zakiya, Amina et Nezha ont déjà commencé la discussion. De nouvelles habitantes, comme Amina et Houaïda, arrivent petit à petit. Le sujet de préoccupation, c’est le départ de plusieurs éducateurs du club de prévention qui étaient appréciés et dont les contrats n’ont pas été ou ne vont pas être reconduits. Certains d’entre eux refusent en effet d’utiliser un logiciel imposé par Toulouse Métropole, tutelle de la prévention spécialisée. Testé dès février 2021 et depuis mis en place, ce logiciel de recueil de données est très décrié dans le milieu des “éducs spés” (voir ici). Pour de nombreux·ses éducateurs et éducatrices, il fait courir le risque d’une forme de “flicage” menaçant le cadre de confiance dans lequel ils·elles travaillent avec les jeunes du quartier. Un positionnement de refus qui a un prix: le non-renouvellement de CDD. Dans la pièce, l’inquiétude et la colère des mères du quartier s’expriment.

Pour Fatima, c’est clair : « Les jeunes, par le biais de ces éducateurs-là, peuvent trouver une oreille et de la bienveillance. Normalement, ils parlent dans un cadre de confidence et l’éducateur est là pour les écouter et les orienter. Là, le problème, c’est que la confiance dans le club de prévention et l’équipe d’éducateurs est menacée. Or, un éducateur, pour le jeune, c’est sacré ! Avec les parents, ils ne peuvent pas avoir certaines conversations… »

Aïcha enchaîne : « Quand ils vont au club de prévention ou dans un cadre comme celui-ci, c’est qu’ils essayent de se sortir de leur situation, d’améliorer leur vie, de trouver une solution. S’ils sentent qu’ils sont fliqués, que ça va les enfoncer, qu’il risque d’y avoir des problèmes… à un moment, plus personne ne viendra se confier. »

Toutes acquiescent. Amina renchérit : « S’il n’y a pas la confiance de ces jeunes, la situation va s’aggraver, il y a un sentiment de trahison. »

Houaïda, visiblement émue : « Et où ils vont aller ces jeunes ? Ils vont rester dans la rue ? Le club de prévention c’est là pour les aider, pour les sortir des bâtiments, pas pour les sacrifier. Parce que là, ils sont en train de sacrifier et les quartiers, et les enfants, et les parents. »

Amina : « Je me dis que moi, adulte, si j’ai un problème, que je viens pour chercher un conseil et qu’on commence à vouloir m’enregistrer, déjà, en tant que parent, ça va me bloquer. Alors le jeune, encore plus! »

Fatima rebondit : « On a vraiment une super équipe au club, une équipe motivée, de terrain. Par le biais du club de prev’, beaucoup de familles que je connais ont pu régler des problèmes qui étaient très compliqués. Par leurs compétences, par ce contrat de confiance, ils font un travail formidable et moi je me demande, derrière tout ça qu’est-ce qu’ils cherchent réellement. Ils vont casser tout ça. »

Elles évoquent ensuite ensemble la liste des éducateurs et éducatrices qui sont sur le départ et leurs inquiétudes. Pour Bouchra, « c’est aussi une mise en danger des éducateurs, je ne sais pas si ils le savent…» Fatima complète : « Oui, les risques concernent aussi les éducateurs car il peut y avoir le soupçon que c’est lui qui a fait fuiter une information sensible », si il arrive quelque chose à un jeune qui s’est confié dans le cadre du club de prév’.

Alors qu’Adila rappelle que les clubs de prévention sont, selon elle, « le seul lieu où les jeunes parlent librement », Houaïda fait mine d’interpeller les décideurs, en l’occurrence ici Toulouse Métropole : « Et les enfants où ils vont aller? Ils vont se confier où ? Qu’ils trouvent une solution pour les enfants et les parents. Pourquoi enlever ça ? Là, c’est trahir les parents et les enfants. »

Lorsque l’une d’elle évoque « les mises à pied » d’éducateurs, Fatima la reprend : « Non c’est pas des mises à pied, mais des non-renouvellements, ils sont malins… » avant d’ajouter, fataliste, « pour les éducs, là, c’est sûr on peut plus rien faire ». Bouchra valide: « C’est un exemple pour les autres, ils veulent faire un exemple. »

Elargissant au-delà d’Empalot, Fatima s’interroge: « Moi, j’aimerais savoir ce que pensent les habitants et les parents des autres quartiers de cette situation ». Des propositions fusent pour rentrer en contact avec d’autres structures. Aïcha parle d’une invitation possible dans les locaux d’une association dans un autre quartier pour échanger sur la situation avec des habitants et professionnels. Adila lance : « On a pensé à faire un rassemblement ».

Finalement, toutes concluent sur l’importance de créer des espaces de discussions, et sur la mobilisation des jeunes qui suivent elles et eux aussi le dossier avec beaucoup de préoccupation. Une réflexion est entamée sur les suites à donner et notamment sur une réunion publique qui pourrait venir. Affaire à suivre.

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