La CAN (Coupe d’Afrique des Nations) des quartiers de Toulouse s’est jouée au début du mois de juin à Rangueil. L’initiative débutée à Evry, et qui s’est propagée dans d’autres villes de banlieue, s’est frayée un chemin jusqu’à Toulouse. On revient sur cet événement populaire en images et à travers une interview des organisateurs.
Salim, Fabien, Michel et Taylor, tous la vingtaine, sont quatre amis, ayant tous grandi dans différents coins de Toulouse.
Au mois de mai, ils découvrent les images parisiennes de la Coupe d’Afrique des Nations, organisée dans plusieurs villes de la banlieue parisienne, comme à Evry et Aulnay-sous-bois, sur les réseaux sociaux.
Passionnés de football, et ayant déjà organisé des tournois ensemble, la question est vite posée : « Et pourquoi pas mettre en place la version toulousaine ? » ce qu’ils ont fait au mois de Juin.
Ils ont commencé par sonder leurs réseaux respectifs sur snapchat, et ont vite vu que les footballeurs toulousains étaient partants pour l’aventure.
En créant « CAN TOULOUSE » le compte snapchat qui leur a servi à faire toute la communication du projet, ils n’imaginaient pas les « 1400 demandes d’ajout qu’ils auraient 24h après », comme l’explique Michel. « Après, Il a fallu penser à la structure du tournoi. Déterminer le nombre d’équipe, la répartition des poules…On est parti sur 12 équipes en 4 poules pour avoir des quarts de finale. »
« Dans notre ville, il y a beaucoup de jeunes issus de l’immigration, qui ont une double culture. L’occasion d’organiser la CAN, c’était l’occasion pour eux de repenser à d’où ils viennent, c’est important. Et ça a aussi permis à certains de la même communauté de se rencontrer. »
Puis s’est posée la question des pays et donc des communautés africaines qui allaient être représentées. « On s’est basé sur les communautés qu’on connaît. On sait que certaines sont très représentées à Toulouse “footballistiquement” parlant, comme la communauté sénégalaise, guinéenne, camerounaise, algérienne etc…, donc on les a inscrit d’office, le choix des autres s’est fait pendant les pré-sélections. »
Quand ils ont organisé les pré-sélections pour le Maghreb, « il y avait 4 équipes tunisiennes, 10 marocaines et 14 algériennes ! » Rapporte Salim. En tout, 60 équipes sont venues tenter leur chance faire partie des 12 retenues pour le tournoi. Il explique l’importance pour eux que tout le monde se sente représenté : « Les communautés sont différentes, certains se connaissent tous et pouvaient décider d’une équipe pour les représenter, mais d’autres…non. Dans certaines communautés, tous ne se connaissent pas…ne s’apprécient pas… Donc on a dit faites vos équipes et la meilleure sera choisie pour vous représenter. » Fabien ajoute : « Il y avait aussi le cas de communautés qui n’étaient pas suffisamment en nombre pour une équipe. Alors ils ont aussi fait des sélections et ils ont créé une équipe qu’on a appelé Nations Unies. »
La dimension interculturelle a toujours fait partie inhérente du projet, pour Salim : « Dans notre ville, il y a beaucoup de jeunes issus de l’immigration, qui ont une double culture. L’occasion d’organiser la CAN, c’était l’occasion pour eux de repenser à d’où ils viennent, c’est important. Et ça a aussi permis à certains de la même communauté de se rencontrer. »
Les garçons ont dû s’adapter à l’ampleur de l’événement et apprendre sur le tas comme l’explique Fabien : « Au début, on faisait tout, on arbitrait, on gérait l’extérieur du terrain… A ce stade, on a vite dû chercher des volontaires pour nous aider. C’est là aussi qu’on a commencé à chercher des sponsors ».
Le timing serré de leur organisation ne leur permettant pas de solliciter les financements publics au vu des délais, des partenaires privés ont su voir les retombées de l’initiative, et ont participé activement à l’événement, en facilitant la communication, finançant les maillots, et trouvant même des arbitres pour les phases de jeu..
« La jeunesse toulousaine a su montrer qu’elle peut se rassembler, et que ça peut bien se passer, se rencontrer, dans une bonne ambiance et c’était ça le plus important.»
Les dimanches 2 et 9 juin, s’est donc déroulée, sur le complexe sportif de Rangueil, une CAN à la toulousaine, sous le regard d’une foule impressionnante de supporters, à chaque match, malgré le soleil, la chaleur et la période de jeûne du mois de ramadan.
« La foule, c’était vraiment quelque chose de compliqué à gérer, mais tout s’est bien passé, il n’y a pas eu de disputes », se souvient Salim. Il raconte aussi les centaines de drapeaux aux couleurs des pays qui représentent leurs origines, des chansons, et des entrées en nombre sur les terrains après un but, et ils ont été nombreux.
Des rencontres, menées solennellement, avec la fierté d’avoir à représenter dans leur ville, leur nation de cœur…et sur les terrains les matchs se sont enchaînés, dans une ambiance très positive, garantie par la présence des arbitres comme l’expliquent les organisateurs : « C’était important pour nous qu’il y ait des arbitres. Dans certaines équipes des joueurs professionnels se sont mélangés à des amateurs. On voulait que ça se passe bien sur le terrain, que les joueurs soient protégés ».
Une mixité qui a donné de belles choses à voir d’après ce qui se raconte aujourd’hui dans les rues de la Ville. La finale a opposé la Guinée au Ghana, avec une victoire de ce dernier après un match serré.
Et sur les rivalités entre communautés : « elles se réglaient sur le terrain, et n’en sont jamais sorties » . Un des enjeux de ce tournoi aussi, c’est d’avoir réussi à réunir des jeunes de tous les coins de Toulouse, dans une dimension inter-quartiers. « C’était pas évident quand même de le faire sur la ville. Tout le monde ne se connaît pas, ne s’aime pas…Mais tout s’est bien passé, il y a pas eu plus de tensions que ça. », explique satisfait Fabien. Michel le rejoint : « La jeunesse toulousaine a su montrer qu’elle peut se rassembler, et que ça peut bien se passer, se rencontrer, dans une bonne ambiance et c’était ça le plus important.»
Les quatre amis sont motivés à rempiler l’année prochaine, en faisant, comme ils le précisent, quelques améliorations comme : « Avoir de meilleurs délais, écarter les matchs, pour avoir des matchs avec des joueurs mieux reposés. Mieux gérer les nations, améliorer le fonctionnement et le règlement du tournoi…», précise Fabien.
Ils évoquent également l’idée d’organiser d’autres tournois, et d’autres événements ayant vocation à réunir les différentes communautés de Toulouse et à réunir sa jeunesse.
Michel nous tire le bilan de l’expérience : « Je trouve que ça a fait du bien à notre ville. On avait besoin de ça, une communion venue de partout, sans embrouilles, sans soucis, se réunir autour de quelque chose de positif. J’en retire aussi la satisfaction qu’on ait réussi à faire ça nous même, sans structure derrière, entre nous. C’est ça qu’il faut souligner, qu’on peut faire des choses. »
Et on ne peut que les en remercier.