Chouf Tolosa publie une série d’articles écrits par des élèves de seconde du lycée Rive Gauche autour du film kenyan « Rafiki ». Ces articles sont parus dans Le Chromatique, journal-école paru au printemps 2022, dont nous avons accompagné la réalisation.
Aujourd’hui, un article de Rayan Boubekeur qui a vu dans le film de Wanuri Kahiu un éloge pop et audacieux de la couleur. (1/4)
« Rafiki » est une romance dramatique kenyane sortie en 2018 et réalisée par Wanuri Kahiu.
Elle nous raconte l’histoire de Kena Mwaura, une jeune femme au style vestimentaire dit ‘’plus masculin” ; elle est la fille de John Mwaura, candidat vert aux élections en cours qui appartient à la classe moyenne. La seconde protagoniste est Ziki Okemi, une jeune femme qui vit dans un monde confortable et bourgeois, différent de celui de Kena, et dont le père est l’opposant politique du père de Kena aux élections municipales.
Le film ne tire pas sa force du travail de la mise en scène mais d’un travail des couleurs qui va renforcer son impact (on remarque par exemple l’utilisation du vert et du violet pour Kena et Ziki) et son style pop, caractéristique du mouvement “Afro Bubblegum” (voir notre article “L’AfroBubblegum : nouveau souffle africain !”).
Un générique-manifeste : de la couleur avant toute chose !
Le film commence par une introduction musicale aux techniques artistiques très bien réalisées. Avec ce générique, l’esthétique du film est représentée par une alternance entre des plans sur le milieu urbain dans lequel se passe l’intrigue et des images en mouvement sur fond coloré qui montrent l’empreinte graphique. La musique pop rythme les images hybrides. Cette entrée en matière va intelligemment porter le propos sur la joie et la légèreté sans mettre l’accent sur les problèmes liés à l’environnement kenyan (la pauvreté à Nairobi, la densité de la population par exemple : voir plus loin nos articles sur ces sujets). Le générique sait les suggérer en proposant des traces de la réalité.
Une mise en scène chromatique pour dénoncer l’histoire unique
Dans ce film, l’émotion nous est transmise de manière “implicite” par le jeu de couleurs, impressionnant dans chaque moment important. Au début du film, les couleurs entrent en contact comme deux mondes qui s’entrechoquent. Ce choc se ressent comme un envahissement : le vert et le violet ne se mélangent pas mais l’échange de regard entre les protagonistes montre que cet “envahissement” n’est pas violent, au contraire ! Ce qui est surtout intéressant là-dedans, c’est que les couleurs ne se voient pas à première vue mais dès qu’on les remarque, on comprend l’ingéniosité d’une mise en scène chromatique.
Plus tard dans le film, le rose prend place comme une couleur commune à Kena et Ziki car leur relation est fusionnelle et le film gagne en légèreté.
Puis la violence et la peur arrivent par surprise ; elles montent crescendo ; cette dramatisation est amenée grâce aux couleurs qui vont basculer de manière brusque, de la douceur et la sensualité (violet et rose) à la peur et l’anxiété (bleu sombre).
Cette mise en scène colorée a été utilisée pour briser les clichés qui ont amené au principe de “l’histoire unique”, cette histoire du Kenya façonnée de stéréotypes, hélas capable de figer les représentations du pays et du continent africain.
Rayan Boubekeur