Home L'actuA la une « C’est même pas qu’ils confondent, c’est qu’ils s’en foutent »

« C’est même pas qu’ils confondent, c’est qu’ils s’en foutent »

by La rédac Chouf Tolosa

Chouf Tolosa a recueilli des témoignages de jeunes adolescents du quartier des Izards à propos de leurs relations avec la police. Pas de morts, pas de violences aggravées dans leurs récits. Juste une réalité qui, pour les garçons, s’installe dès la fin de l’enfance et se banalise à l’adolescence: celle des violences policières de basse intensité.

En novembre 2015, la place Micoulaud, au coeur du quartier des Izards avait accueilli pendant une semaine une exposition-photo intitulée “L’égalité trahie l’impact des contrôles au faciès” (photo: E.R.)

Alors que le contexte de tensions sociales a remis sur le devant de la scène la question des violences policières et les comportements abusifs sur des manifestants, Chouf Tolosa publie des témoignages de jeunes du quartier des Izards à propos des contrôles de police qu’ils subissent régulièrement.

Ces témoignages font écho à d’autres, recueillis au cours des derniers mois auprès d’autres jeunes garçons des Izards, de leur famille et de certain·es acteurs et actrices du quartier qui, elles et eux, n’ont pas souhaité apparaître dans l’article.

Bilel*, Yassine* et Malik* (prénoms d’emprunts) sont trois lycéens âgés de 16 ans qui ont grandi aux Izards et sont aujourd’hui scolarisés dans différents établissements toulousains. Ils circulent au quotidien entre leur quartier et le reste de la ville pour se rendre dans leurs lycées, au terrain de sport ou participer à des activités extrascolaires organisées par des structures locales.

Ce sont certains des parents qui, cet automne, ont fait part aux responsables et animateurs de ces structures, de pratiques problématiques récurrentes de policiers dans le quartier. Les trois jeunes ont accepté de raconter leur vécu dans ce cadre de confiance.

Nous avons tendu l’oreille à leurs récits qui concernent des faits s’étant déroulés au cours des deux dernières années. Parfois lâchés avec un rire nerveux, un regard fuyant, un soupçon de gêne, et souvent avec une indignation et une rage contenue, ils racontent une relation très dégradée avec la police, et plus particulièrement avec certains de ses agents. Une relation trop souvent empreinte de préjugés, de menaces, d’humiliation, voire de violences physiques : suspicion infondée de participation au trafic, fouille à l’écart, palpation et gestes déplacés, ton menaçant. Des méthodes brutales, humiliantes et trop souvent banalisées, qui rappellent le statut permanent de citoyen de seconde zone auquel sont assignés ces jeunes « des quartiers » ou « de banlieue ».

Nous avons choisi de retranscrire les témoignages bruts de Bilel* et Yacine*, suivis de la discussion croisée entre les membres de Chouf Tolosa et ces deux jeunes lycéens accompagnés de leur camarade Malik*. Nous y avons inséré certains extraits sonores de nos échanges pour donner leur parole à entendre.

Nous avons par ailleurs sollicité la Préfecture et la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de la Haute-Garonne, en leur demandant si elles avaient connaissance de cette situation et de ce ressenti des jeunes et, le cas échéant, comment elles entendaient le prendre en charge. Elles ne nous ont pas répondu.

Les récits

Cette exposition nomade faisait suite à un rapport éponyme publié en septembre 2013 par l’Ong Open Society Justice initiative (photo: E.R.)

« Moi, c’est Bilel*, j’ai 16 ans et la dernière fois que je me suis fait contrôlé, c’était vers 16h30, après les cours. C’était aux Izards, vers le terrain de foot, entre Croix Daurade et Borderouge, dans cet intervalle.

Je marchais, et parce que j’étais en survet’, ils m’ont contrôlé. On était deux, on marchait, on se racontait nos vies, une voiture de police passait. Ils ont fait demi-tour quand ils nous ont vu. Après, ils sont tous sortis, ils étaient quatre, une fille et trois garçons, officiel police, en uniforme. Ils nous ont dit de se mettre contre le mur, on s’y est mis et ensuite ils nous ont fouillé, bien fouillé, entre les jambes et tout. Ils nous ont dit qu’ils nous avaient à l’œil, et après ils sont partis.

Moi, surtout, ce que j’ai trouvé bizarre c’est qu’ils fouillent très près du corps, enfin des parties intimes en tout cas. C’est tout. Ils parlent mal aussi. Et ils prennent souvent en photo.

Par exemple, quand je marchais avec mon collègue, ils se sont arrêtés, ils nous ont dit « faites la pose » et ils nous ont pris en photo. Mais pourquoi ?

La photo

Une autre fois, ils nous ont suivi jusqu’au parc, c’était un vendredi, vers 17h. Ils nous ont fouillé, mis des coups de pression : « Ouais c’est un parc pour les enfants, vous avez rien à faire ici ». On a répondu qu’on voulait y rester juste pour se détendre, ils nous ont dit qu’on avait rien à y faire. Après, ils ont essayé de jouer au plus malin, et ils nous ont fouillé. Et moi, quand je lui ai montré ma carte de bus, il m’a mis un coup de pression, il m’a dit : « tu dois avoir toujours tes papiers d’identité ». Je lui ai dis que j’étais en cours, j’en sortais, avec mon sac. Il m’a dit « non, non, tu dois les avoir toujours sur toi ». Ensuite il m’a demandé si je n’avais pas un grand frère, j’ai dit non mais il a insisté : « T’es sûr que t’as pas de grand frère ? » J’ai dit : « non, j’ai pas de grand frère ».

Ensuite, ils nous ont tous mis derrière le banc. On était cinq. Ma mère m’a appelé mais ils m’ont pas laissé lui répondre. Un policier m’a pris mon téléphone, et a dit « tu ne réponds pas ». J’ai dis « ouais, mais là c’est ma mère, elle sait pas où je suis, je dois lui répondre ». Il m’a dit « elle attendra ».

“Elle attendra”

Ils ont commencé à nous dire « Ouais restez pas ici, vous avez rien à faire ici ». On leur a dit : « on habite ici, on vient d’ici ». Ils nous ont dit : « Et alors ? Vous avez rien à faire ici ».

Aux Izards c’est plutôt les UTeQ qui tournent (les anciennes Unités territoriales de quartiers – UTeQ qui ont été rebaptisées en 2010 les Brigades spécialisées de terrain – BST, NDLR). Ce sont eux qui s’occupent d’ici. Et moi personnellement, c’est tout le temps les mêmes qui me contrôlent.

Un rapport dévoilant l’impact d’une discrimination largement documentée: “en France, les personnes issues des « minorités visibles » sont contrôlées bien plus fréquemment que leurs homologues blancs.”(photo: E.R.)

« Moi, c’est Yassine*, j’ai 16 ans aussi. Le dernier contrôle qu’ils m’ont fait, c’était une après-midi vers 15h. Je marchais et je passais par la poste pour aller à l’accueil jeune des Izards. Il y avait la voiture de police devant la poste. Ils fouillaient des jeunes. Un policier m’a suivi par derrière, pendant que je marchais. Je l’ai vu mais je n’ai pas calculé, je me suis dit qu’il passait juste par là. Puis il a commencé à accélérer. Je me suis alors arrêté et quand je me suis retourné, il était devant moi. Il m’a fait « ouvre » parce que j’avais une sacoche. Direct, il voulait me mettre la pression. J’étais même pas habillé en survêt’ ou quoi, j’étais cargo, tee-shirt Lacoste, normal. Mais même pas bonjour, rien du tout. Il m’a fait: « ouvre, t’as des trucs ? » J’ai dit : « non j’ai rien ». J’ai ouvert, il a regardé, et il m’a demandé : « qu’est-ce que tu fais ici ?» Il ne voulait pas me parler gentiment. J’ai répondu : « Beh rien, là je vais à l’accueil jeune, je me balade tranquillement ». Après, il a continué à me demander si j’avais rien sur moi. Il a fouillé mes cheveux, mes poches, la sacoche.

Quand je lui ai montré ma sacoche, il y avait ma carte d’identité. Il l’a prise en photo, avec un téléphone bizarre, et m’a pris moi aussi en photo. C’est après qu’il m’a dit : « je veux plus te voir traîner ici, c’est la dernière fois que je te vois ici ». Je l’ai arrêté et lui ai dit : « comment ça, la dernière fois que vous me voyez ici ? J’habite ici !». Il m’a fait « Ouais mais tu ne traîne pas vers ici ». Vers la poste, il voulait dire. Je lui ai dit : « beh… je passe par là pour aller en cours ». Après il a buggé et il est parti. Et je suis parti aussi.

Si encore c’étaient des contrôles, où ils disent pourquoi ils contrôlent, donnent un motif et parlent gentiment, d’accord ! Mais là c’était direct pression, il voulait me faire peur en fait. Même pas on peut discuter avec eux.

La pression

Une autre fois, j’ai vu un monsieur arriver de loin. Il était en jean/ tee-shirt, il avançait vers moi. Il y avait ma mère et la mère de Bilel aussi. Il vient, me regarde, j’étais en survêt’, j’avais ma sacoche où il n’y avait rien, juste mon parfum et des trucs de merde. Il vient me voir, il me fait : « c’est toi qui as des trucs et tout ? » (comme un acheteur de drogue s’adressant à un vendeur, NDLR). J’ai vu que c’était un shmitt, mais en mode civil. Ma mère, elle le regarde elle lui fait « oh, c’est mon fils, qu’est-ce que tu fais ? Il est avec moi !». Après il est parti en disant « désolé, j’ai cru que c’était ici ». Mais ça se voyait que c’était un policier en civil.

Il y a une autre histoire que j’ai pas raconté, c’était en quatrième je crois. C’était dans le tunnel pour aller au collège Lautrec, il y avait la BAC. Il y avait mon copain Malik devant moi, il s’est fait contrôlé.

Après, devant moi, je veux pas dire, y’avait d’autres personnes qui n’avaient pas la même… Moi t’as vu, je suis un arabe, bref. Eux, ils marchent, ils passent et les policiers, posés sur la voiture, ils font rien. Moi je passe, j’avais un survêt et un bob, ils viennent vite vers moi, me prennent, me mettent sur le trottoir et me font « ça va bien se passer, t’inquiètes ».

Ils me fouillent, tac-tac, soulèvent mon bob, fouillent mes cheveux. Un policier me dit « qu’est-ce que tu fais ? » J’avais mon sac à dos, il savait très bien ce que je faisais, que c’était le chemin pour aller à l’école. Je lui dis : « Je vais au collège là ». Il me dit « t’es sûr que tu vas au collège ? », je lui dis « ouais », je montre mon carnet et il me fait « Ah ok, c’est bon vas-y ». Il voulait me faire peur lui aussi. C’était en quatrième. Là je suis en première.

Sur le chemin de l’école

La discussion

Chouf Tolosa : À quel âge avez-vous eu vos premiers contrôles à peu près ?

Yassine : Premier contrôle… En sixième, je crois.

Bilel : Cinquième.

Malik : Quatrième.

Chouf Tolosa : Il y a deux critères qui reviennent beaucoup dans ce que vous racontez, c’est la couleur de peau et le survêt’…

Bilel : Ici, ils sont sélectifs. C’est à dire, t’es un arabe, tu mets un survêt’, et même si t’es en cargo, ils te fouillent direct. Mais par exemple si quelqu’un passe devant moi, il est plus blanc de peau que moi, il a un survêt’, ils le laissent aller. Ils sont très sélectifs ici, même la BAC.

Yassine : C’est même pas les survêt’, c’est la tête cash. Moi, par exemple, y’a pas longtemps, j’étais venu à pied, j’étais même pas en survêt’, j’étais classe. Il a vu ma tête, il a vu que j’avais la teinture, direct il est venu, il a pas cherché à comprendre.

A Toulouse comme ailleurs, de Bellefontaine aux Izards en passant par Empalot ou Bagatelle, cette réalité des contrôles policiers abusifs est vécue au quotidien par les jeunes garçons Arabes et Noirs des cités (photo: E.R.)

Malik : Ouais, c’est très sélectif.

Chouf Tolosa : Vous avez des copains blancs, vous, dans les quartiers ?

Bilel : Ouais.

Chouf Tolosa : Et ils se font contrôler comme vous ?

[Négation générale]

Malik : L’autre jour, j’accompagnais mon collègue à l’arrêt de bus pour prendre le 60, on était posés, on était assis, et à un moment y’a une voiture de police qui passe ; du coup ils étaient trois, ils sortent, contrôle. Ils veulent nous contrôler, ils nous fouillent tout, […] en voyant nos survets. Après, y’en a un qui dit à mon collègue : « ouais t’as de la chance t’as rien sur toi… ». C’est tout.

Yassine : Parce qu’ils voient les jeunes des Izards qui travaillent ici (ceux qui sont impliqués dans le trafic de drogue, NDLR), ils nous mettent dans le même lot, direct.

Bilel : Ils mettent tout le monde dans le même sac.

Chouf Tolosa : Vous pensez qu’ils mettent tout le monde dans le même sac parce qu’ils confondent ?

Bilel : Ils confondent parce qu’il y a beaucoup de nouveaux chez les jeunes (impliqués dans le trafic de drogue, NDLR), c’est pour ça.

Yassine : C’est même pas qu’ils confondent, c’est qu’ils s’en foutent, en fait. Ils en voient un et, cash, ils vont le voir pour le contrôler.

Chouf Tolosa : C’est à dire qu’ils contrôlent dans le tas ?

[Acquiescement général]

Chouf Tolosa : Est-ce que ça vous est déjà arrivé avec la police municipale ?

Bilel : La police municipale, ils sont cools, ils te voient passer, ils s’en foutent de comment t’es, ta tête… Ils passent, ils te calculent pas. Parce que les municipaux, ils savent comment sont les gens qui dealent vraiment. Par exemple, si ils voient un mec marcher vers l’accueil jeune, la police municipale ils s’en foutent, ils font leur vie. Alors que la Nationale, la BST ou la BAC, ils s’arrêtent direct.

Chouf Tolosa : Est-ce que ça a déjà été plus loin, est-ce que vous avez déjà été insulté, au-delà des menaces et pressions, ou frappé ou bousculé ?

Bilel : Moi, j’ai vu un collègue à moi, ils lui ont mis une gifle, je pense que même ses parents, il lui mettent pas ; ils lui ont mis une gifle, l’ont mis dans le bloc, ils l’ont fouillé partout; ils l’ont mis pieds nus et après ils lui ont dit casse-toi et tout. A eux, ils les gazent beaucoup aussi…

La gifle

Chouf Tolosa : « Eux » c’est à dire ? Les jeunes impliqués dans les réseaux de trafic ?

Bilel : Ouais. La dernière fois que je suis passé, ils ont gazé, ils arrêtaient pas d’appuyer, il avait le visage… Il brûlait, il criait et tout. Devant des mères, des bébés, tout le monde.

La gazeuse

Yassine : Quand les mères sortent, sont là, la police ils leurs disent « vous n’avez qu’à pas rester ici ». Après moi, j’en connais aussi, c’est des jeunes qui n’ont rien à voir (avec le trafic, NDLR), ils les fouillent, leur enlèvent leurs chaussures, leur cartable et après ils jettent leurs affaires derrière le grillage. Et après ils partent et disent : « allez, tu vas chercher »… 

“Allez, tu vas chercher”

Chouf Tolosa : Quand ça vous arrive une histoire comme ça, est-ce que vous en parlez autour de vous, est-ce que vous le racontez à quelqu’un ?

Bilel : Moi, le jour où je marchais et où je me suis fait fouiller avec un collègue, qui s’appelle Z*, en fait vu qu’ils nous ont fouillé trop près du corps, on se regardait et on rigolait parce que c’était gênant et parce que nous on savait qu’on avait rien sur nous. Ils nous fouillent, ils perdent leur temps, on s’en fout, on est jeunes, on va faire notre vie.

Ils nous ont fouillé, ils nous ont bien touché partout, ils nous ont mis pieds nus sur la route. Et moi, ici, je crains (il désigne un endroit de son corps) ils nous ont fouillé et moi je rigolais avec Z*. Ils nous disent, sérieux « pourquoi vous rigolez ? » Et je lui dis « ben, en fait vous me touchez aux parties où vous avez pas le droit… » Et il me dit « mais on a pas le choix. »

Je leur ai dit « mais je suis habillé en survêt’ de foot, lui aussi! Vous croyez qu’on a quoi sur nous ? » Ils nous dit « on sait pas » et après ils sont partis puis ils ont fait demi-tour et ils nous ont suivi. Voilà.

Ben, en fait vous me touchez aux parties”

Yassine : Moi, quand je me fais contrôler, ouais, j’en parle. Mon père, il pète un plomb, il me dit « ouais pourquoi tu m’appelles pas ? Je serais venu, j’aurais parlé avec lui, faut que tu m’appelles… » Vu qu’on est mineur, on doit appeler nos parents pour qu’ils parlent avec eux à propos du contrôle. Sauf que eux, ce qu’ils font, c’est qu’ils prennent le téléphone…

Chouf Tolosa : Ils vous prennent le téléphone le temps du contrôle ?

Bilel : Ouais, par exemple, la fois où je me suis fait contrôlé là-bas, ma mère elle faisait que m’appeler au téléphone. Après elle m’a dit « pourquoi tu réponds pas ? ». Je lui ai dit que la policière avait pris mon téléphone et l’avait gardé (le temps du contrôle). Ma mère m’a dit qu’ils ont pas le droit, normalement ils doivent parler avec les adultes. Sauf que eux, non.

Pourtant c’est eux qui doivent faire la loi, enfin ils doivent respecter la loi… Pourtant ils le font pas.

Yassine : Nous, si on connaît pas le droit, ils nous la mettent à l’envers en fait. Ils savent très bien qu’on connaît pas tout ce qui est droit, tout ça, ils font ce qu’ils veulent. Ils nous prennent en photo, ils prennent nos téléphones, ils nous fouillent, sans motif… et voilà.

Presque 8 ans après cette exposition, le visage du quartier des Izards a été profondément modifié par un projet de rénovation urbaine. Le diptyque trafic/pression policière élargie demeure, lui, toujours aussi présent dans ses rues (photo: E.R.)

Chouf Tolosa : En même temps, vous les connaissez un peu vos droits, puisque vous leur en parlez… Vous avez l’air de savoir ce qu’ils ont le droit de faire et de ne pas faire.

Yassine : Oui, mais moi ça fait pas vingt ans que je le sais ! C’est après les contrôles. Quand j’en ai parlé avec quelqu’un, on m’a expliqué ce que j’avais le droit et pas le droit de faire.

Bilel : Et même, on est toujours perdant… Et c’est pas la nationale, c’est la BST, ils ne sont pas courtois. Moi, à chaque fois que j’ai été contrôlé par la BST, ils ne m’ont jamais dit « comment tu vas ? ». C’est directement un coup de pression ou « ne reste pas ici, qu’est ce que tu fais ici ? »

Chouf Tolosa : Et vous ne leur demandez pas pourquoi ils font des contrôles comme ça ? Est-ce que vous avez essayé de discuter avec eux, est-ce que c’est possible ?

Yassine : Mais non, c’est pas possible.

Chouf Tolosa : Est-ce que vous appréhendez ces rencontres, quand vous allez en cours par exemple ? Vous avez peur des fois ?

Bilel : Moi j’ai eu peur une fois. Ils sont sortis, ils étaient vraiment déter’, avec un collègue à moi qui s’appelle V*, on a couru. Parce qu’en fait, ils sont sortis déter’, on croyait qu’ils allaient nous foutre sur la tête. C’était juste là, à côté, moi j’ai couru pour rentrer chez moi et après ma mère elle m’a expliqué qu’il fallait pas courir parce que justement quand tu cours, ils croient qu’on a des choses à se reprocher.

Courir ou ne pas courir

Après, l’allure, comment ils marchent et tout, c’est pas une démarche à faire, moi je trouve. Ils s’arrêtent sec, ils descendent, ils t’attrapent directement, ils te tournent, te fouillent, c’est pas une démarche à faire…

Yassine : Ça commence au regard. Déjà, quand tu vois une voiture de police passer, ils te regardent comme ça, ils te fixent, regard noir… Déjà là, t’as un coup de pression, tu te dis: « qu’est-ce que j’ai fait? »

Regard noir

Bilel : Même si t’as rien fait, tu vas te dire: « qu’est-ce que j’ai fait? » Ils te lâchent pas du regard. Et puis des fois, ça se passe devant tout le monde. Par exemple quand tu te fais fouiller, imagine y’a ta mère, elle passe, c’est la honte devant tout le monde, ta mère elle regarde, c’est vraiment la honte.

La honte

Yassine : Moi aussi, quand je me suis fait fouiller, il y avait des collègues à moi qui m’attendaient… Les gens autour ils se disent « c’est un délinquant lui, pourquoi il se fait fouiller comme ça… »

Chouf Tolosa : Vous pensez que beaucoup de vos amis pourraient raconter les mêmes choses ?

Bilel : Oui, tous les jeunes comme nous d’ici, même des plus petits, de 12 ans, 13 ans. Et mes oncles qui ont 25 ans, aussi, souvent. On en parle entre nous, parce que c’est devenu une habitude, on rigole. On se le dit pas avec un air triste, on rigole ensemble.

Yassine : Non, on en rigole…

0 comment
3

Related Articles

Leave a Comment