Alfred Nakache est populaire à Toulouse car tout le monde connaît la piscine Nakache. Mais que connaît-on réellement de son histoire, son parcours, ses exploits, sa tragique rencontre avec la barbarie nazie, son destin incroyable ? Des jeunes élèves du collège Clémence Isaure ont souhaité dressé le portrait de celui parfois appelé “Artem” (“poisson” en hébreux) ou “le nageur d’Auschwitz”: un héros local et national qui a bravé de multiples épreuves et pour qui la nage représentait plus qu’un sport, un geste de survie, sans doute même de résistance. Le texte de présentation du projet et l’ensemble des textes écrits par les élèves sont à retrouver sur ce lien : « Portraits de France » : des élèves du collège Clémence Isaure s’initient au journalisme.
Alfred Nakache est un nageur constantinois qui déménage en France et qui remporta au cours de sa vie 22 médailles aux Championnats de France.
Né dans une famille juive d’Algérie, il s’installe ensuite en France. Il participera aux rencontres préparatoires des Jeux olympiques d’été de 1936, puis obtiendra la même année le record d’Europe du relais 4 x 200 m en 9 min 22 s 06 avec Jean Taris, René Cavalero et Diener. Aux Jeux olympiques, dans un contexte d’antisémitisme, il terminera 4e sur le relais du 4x 200 m nage libre devant les Allemands.
En 1939, il réussi son examen pour devenir professeur d’éducation physique, il intégrera par la suite l’école normale d’éducation physique. Cependant, lorsque Philippe Pétain abolit le décret Crémieux, Alfred Nakache, qui était un juif Algérien, sera déchu de sa nationalité Française.
Professeurs juifs, lui et son épouse doivent alors partirent pour pouvoir continuer à travailler et ils s’installent donc à Toulouse située dans la zone dite libre. Durant cette période il se rapproche des réseaux de résistance juifs comme l’Armée juive en aidant la préparations physiques des recrues.
D’abord remarqué pendant l’Occupation pour ses records où il devient rapidement l’un des nageurs les plus titrés du pays, il sera progressivement dénoncé par la presse collaborationniste par antisémitisme. Il sera par ailleurs interdit de bassin lors des championnats de France en 1943, ce qui entraînera un boycott de ses camarades du TOEC.
Arrêté par la Gestapo le 20 novembre 1943 à la suite d’une dénonciation, il est retenu captif à la prison Saint-Michel de Toulouse, puis au camp de Drancy avant d’être déporté au camp d’Auschwitz où sa famille sera assassinée dans les chambres à gaz. « Connu des officiers SS, le champion doit subir les humiliations de ses tortionnaires. Il doit repêcher un poignard avec les dents au fond du bassin de détention d’eau » cite Le Parisien dans un article sur Nakache. Il est évacué dans le cadre des marches de la mort (on appelait ainsi les convois de prisonniers où les gardiens faisaient avancer les prisonniers au mépris de la vie de ces derniers, voire en vue de leur extermination – source Wikipédia) et se retrouve à Buchenwald, un autre camp de concentration nazi. Il est ensuite libéré en avril 1945. Il témoigne plus tard: « Je sors de la tombe, il faut avoir vécu la vie de ces camps pour s’imaginer ce que c’était. Quand on fera le compte des rescapés et des manquants, on aura du mal à en croire les chiffres. De 85 kilos, je suis tombé à 61, et je ne dois la vie qu’à ma volonté d’en sortir, de ne pas manger d’immondices ou de cadavres malgré la faim. Je pèse actuellement 70 kilos » (sources: L’Humanité, Wikipédia). A son retour en France, il reprend sa carrière de professeur tout en continuant la natation. Alfred Nakache retrouvera ainsi le plus haut niveau de la compétition, comme le dit joliment Philippe Collin sur France Inter :
“Comme un extraordinaire défi à la vie, il réussit à se qualifier pour les JO de Londres en 1948. Douze ans après ses premières Olympiades en 1936, et après avoir survécu à Auschwitz. Il n’empoche aucune médaille, mais participe à la compétition en mémoire de tous les déportés, de sa fille et de sa femme. C’est sa manière à lui de prouver l’échec du Troisième Reich”
Il meurt finalement le 4 août 1983, dans son élément, l’eau, dans le port de Cerbère, après un malaise, alors qu’il effectuait sa nage rituelle.
A Toulouse, une piscine prend et garde son nom en son honneur. Par ailleurs, un ouvrage lui a été consacré, il s’agit du livre de Pierre Assouline, Le Nageur, paru en mars 2023 aux éditions Gallimard.
Loris, Mathieu et Mehdi