Série le foulard des voilées 2/4. Dans le quartier d’Empalot, j’ai rencontré Houroufa, 65 ans, divorcée, habitante d’Albi dans le Tarn mais de passage à Toulouse. Elle me reçoit dans sa famille, thé et petits gâteaux, heureuse de se prêter au jeu de l’interview. Energique, pleine d’entrain, volubile, le dialogue s’engage aisément avec cette franco-algérienne qui me dévoile avec émotion ses sentiments sur le port du foulard.
Houroufa, pourrais-tu me dire depuis quand tu portes le voile et à quelle occasion ?
Je le porte depuis environ 13 ans et je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas simplement d’un foulard. En tant que musulmane, il m’est aussi recommandé de porter des vêtements amples afin de ne pas exposer les atours de mon corps aux regards des hommes. Le port du voile seul ne signifie pas que tu es musulmane. Je le porte par conviction religieuse, bien que ma décision, au départ, je l’ai prise suite à une expulsion car, après mon divorce, j’ai vécu une situation difficile… J’ai dû faire face et tout va bien aujourd’hui…
Qu’est-ce que cela a changé en toi ? Et autour de toi ?
Je me sens plus proche de Dieu. Mais aussi de ma famille d’origine musulmane dont je m’étais éloignée, je me suis rapprochée de ma sœur avec laquelle j’étais fâchée depuis quelques temps déjà. C’est comme un retour aux sources… Cela m’a apporté un bien être, de l’assurance. J’ai repris confiance en moi. Par contre le regard des autres a changé… Certains ont même été choqués ! Je parle de mon voisinage. Par exemple, ils ne répondaient plus aux invitations au moment des fêtes ou anniversaires. Heureusement, les amis, eux, n’ont pas changé.
As-tu subi des discriminations ?
Des incivilités, des allusions sournoises… Quand on me dit « retourne chez toi ! », je réponds que chez moi c’est ici. Je ne me laisse pas démonter facilement. Mais un soir, de retour à la maison, je me suis aperçue que l’on m’avait craché dans le dos… C’est assez significatif de la bêtise et de la lâcheté ambiantes !
LE FOULARD DES VOILÉES, une série d’Abdallah
Le voile, symbole de l’oppression de la femme musulmane? C’est ce que l’on nous répète à longueur de temps depuis au moins trois décennies. En cette rentrée 2019, la pression est montée d’un cran avec la prise à partie d’une mère voilée par un élu RN, lors d’une séance du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté. Quelques jours plus tard, le ministre de l’éducation nationale déclarait que « le voile n’est pas souhaitable dans notre société ». Et les barbes « préoccupantes » ou « signifiantes » sont dans le collimateur… Bref, comme d’habitude à l’approche d’une échéance électorale, l’Islam fait figure de chiffon rouge.
Une fois encore, cette « question » a surtout été traitée, sur les plateaux télévisions et dans les médias dominants, entre personnes non-concernées et rivalisant d’arguments pour assurer que la laïcité et la République française sont mises en danger par ce voile.
Pour en savoir davantage, je suis donc allé à la rencontre de femmes voilées à Toulouse afin, tout simplement, de leur donner la parole.Dans la même série, retrouvez nos interviews avec Soumeya, Iman et Soraya.